Le retour de la mariée
famille.
— Que cela te plaise ou non, nous constituons déjà une famille, Logan.
— Je n’ai pas le droit de vivre en famille, Caroline, je porte malheur à ceux qui vivent avec moi ! Je te l’ai assez dit, il me semble !
Il avait parlé avec tant de véhémence que sa voix résonna dans les pièces vides. Caroline ferma les yeux et pinça les lèvres.
En la voyant se débarrasser de sa veste de voyage et commencer à déboutonner son corsage, il resta sans voix.La bouche sèche, il la vit passer sa chemise par-dessus sa tête. Quand elle se mit à ôter ses dessous, son érection devint douloureuse.
— Qu’est-ce que tu fais ? balbutia-t-il enfin.
— Je vais prendre un bain, répondit-elle avec beaucoup de simplicité. Il y a bien une baignoire, dans une belle maison comme celle-ci ?
— Oui, bien sûr, à l’étage… Il y a une douche, aussi.
Il s’exprimait mécaniquement, trop fasciné qu’il était par le superbe spectacle d’impudeur que sa femme lui offrait. Les aréoles roses de sa poitrine haute et pleine, la finesse de sa taille, l’arrondi de ses hanches, sa petite toison fauve aux reflets dorés, tout en elle l’émerveillait.
Mais elle trichait aussi, elle le prenait sous son charme, elle l’envoûtait. Passer insensiblement d’une commande de meubles de cuisine à une manœuvre de séduction aussi éhontée, c’était commettre une sorte d’escroquerie morale. Comment résister à une tentation… insoutenable ?
— Mais enfin…, gémit-il.
— Mais enfin je viens de faire un long voyage, Logan, et j’éprouve le besoin de prendre un bain, tout simplement. Tu ferais bien de te laver, toi aussi. Elle est assez grande pour deux, ta baignoire ?
Quarante-cinq minutes, un bain et deux douches plus tard, Logan gisait nu sur son lit, le corps vidé de toute énergie et l’esprit divaguant dans une sorte de brouillard tiède et sensuel. Le problème n’était aucunement résolu, mais l’épuisement auquel le condamnait le tempérament exceptionnel de sa femme excusait toutes les renonciations.
Il n’en fut plus question en ce premier jour, ni pendant les suivants, ni la semaine d’après. Trois mois s’écoulèrent ainsi sans que la question familiale soit de nouveau posée.
Logan Grey pouvait d’une certaine façon se dire heureux. Elégamment meublée, convenablement équipée, sa maison ne manquait pas d’allure. Sa femme avait renoncé à l’importuner de questions embarrassantes et semblait se satisfaire,comme lui, du statu quo. Son fils restait en correspondance avec Danny Glazier, qui viendrait passer à Fort Worth les prochaines vacances, mais il s’était fait aussi de nouveaux camarades au collège local.
Lucky Logan Grey ne se satisfaisait pourtant pas entièrement de la vie bourgeoise qu’il menait depuis son retour. Elle lui pesait, quelquefois. C’est avec envie qu’il voyait Cade et Holt se consacrer aux devoirs de leurs charges. Il lui arrivait de regretter secrètement qu’aucune mission ne se présente à lui.
***
Les articles publiés dans le Daily Democrat sous la signature de Wilhelmina Peters avaient connu un succès dont Caroline se serait volontiers passée. Informée de première main par Logan, qui ne lui avait appris que ce qu’il souhaitait rendre public, la chroniqueuse avait eu le privilège de faire en exclusivité le récit de l’expédition, des rencontres avec les hors-la-loi, de l’exploration des grottes et du suicide de Fanny Plunkett, dont la réputation s’étendait hors des frontières du Texas.
Pour expliquer la présence de Ben Whitaker au canyon du Fantôme noir, seule était mise en avant la volonté de vengeance d’un respectable propriétaire de journal, reparti sur le lieu de ses anciens exploits pour venger l’assassinat de sa femme, ancienne vedette du crime elle aussi, mais tellement généreuse, et tellement douée pour le dessin et la peinture !
Quelques lignes avaient suffi pour indiquer que Ben prolongeait son séjour à la Cité du Diable, et qu’il nourrissait la noble ambition de civiliser cette région désolée au moyen d’investissements considérables.
Nulle part il n’était fait mention de la recherche et de la découverte d’un trésor, ce qui revenait à n’envisager l’aventure que d’un point de vue pittoresque et sentimental.
Wilhelmina Peters avait poussé la complaisance jusqu’à n’exploiter qu’avec modération le thème du mariage oublié. En
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