Le retour de la mariée
lui.
En une fraction de seconde il fit volte-face pour couvrir Caroline de son corps, le colt à la main, prêt à tirer.
Inutilement. Ils étaient seuls entre les deux portes, sur la plate-forme, mais le malheur fondait sur eux.
Dans un silence terrifiant, un tourbillon vert et lumineux occupait l’espace, creusait le sol, absorbait tout sur son passage. Les buissons du désert, aspirés par le vide, montaient vers le ciel. Entre le train et la tornade, il n’y avait plus qu’un kilomètre à peine.
Jamais encore Logan n’avait vu un cyclone d’aussi près. Dans quelques instants il serait peut-être emporté au ciel comme les buissons, avec sa femme.
Chapitre 7
Bien sûr, il arrivait que les tourbillons changent brutalement de direction. Mais Logan savait que tout espoir était vain, et la catastrophe imminente.
— Alerte, les gars ! cria-t-il en ouvrant la porte de communication. Un cyclone sur nous, tout près !
Cade et Holt étaient déjà debout. Une femme affolée poussait des cris, les passagers s’interpellaient, en état de panique. Logan évalua mentalement leur nombre. Dix dans cette voiture, une quinzaine dans l’autre. Il fallait compter aussi le chauffeur et le mécanicien. Dans un moment, il y aurait beaucoup de blessés, et sans doute des morts.
— Qu’est-ce qu’on fait, Lucky ? demanda Cade, dont la voix fut couverte par le crissement des freins.
— Attention, il peut y avoir des vitres cassées, dit Caroline, il faut que chacun s’accroupisse en se protégeant le visage et les mains.
Logan se garda de la contredire, mais il savait que cette protection serait insuffisante. Les freins crissaient toujours, et le mouvement du train se ralentissait.
— On va tous mourir ! geignit un homme d’un certain âge, qui pleurait.
— Non ! Nous n’allons pas mourir ! protesta Caroline en couvrant de sa voix les gémissements et les cris. Lucky Logan Grey, l’homme le plus chanceux du Texas, est avec nous. Il ne va pas mourir, et nous non plus !
— Le temps presse, dit Holt. Il faut faire quelque chose.
— Mais quoi ? fit Cade. Se cacher sous les bancs ?
Logan, qui n’avait encore rien dit, livra le résultat de ses réflexions.
— Le train va s’arrêter. Il risque d’être emporté, lança-t-il en forçant sa voix. Nous allons nous réfugier entre les roues et nous tenir des deux mains aux rails. Je vais aller prévenir les autres passagers.
En se déplaçant, il effleura le bras de Caroline.
— Mets-toi devant la porte, lui ordonna-t-il.
Il semblait que le train ne s’arrêterait jamais. Dans la voiture, on ne criait plus, chacun retenait son souffle, épouvanté par le spectacle extraordinaire de la nature déchaînée. Déployé du sud au nord, un énorme nuage noir se déplaçait inexorablement vers l’est. A ses franges, des éclairs l’embrasaient, sans qu’on n’entende aucun bruit. Au nord, on voyait la grêle s’abattre en cataracte.
Mais la fascination naissait surtout du tourbillon central qui s’avançait, telle une toupie géante, droit sur le train. Sa pointe, en contact avec le sol, le ravinait, projetant en l’air les obstacles et les roches, comme des fusées. Il détruisait tout sur son passage.
— Il va peut-être nous épargner, gémit une femme. Je vais faire une prière pour qu’il nous épargne.
— Alors dépêchez-vous, lui conseilla Cade.
Logan était de retour. D’un signe de tête, il indiqua qu’il était trop tard, et tint la porte ouverte.
Soudain brûlant, l’air immobile semblait s’épaissir, s’alourdir. On étouffait. Le convoi s’immobilisa, dans un dernier grincement.
Logan fit un signe. Holt Driscoll et Cade Hollister sautaient déjà à terre, Caroline entre eux. Avant de sauter à son tour, Logan eut le temps de voir qu’un seul passager s’apprêtait à le suivre.
A peine étaient-ils parvenus à s’accroupir puis à s’allonger entre les rails qu’un mugissement monstrueux les assourdit.
Logan s’était couché sur Caroline qui, comme lui, se cramponnait aux rails. Holt et Cade se tenaient près d’eux.
Le mugissement insoutenable augmenta encore, leur déchirant les oreilles, leur coupant le souffle. Le sol tremblait, le monde semblait se défaire. Cramponné de toutes ses forces, les yeux fermés, le corps tétanisé, Logan ne faisait plus qu’un avec sa femme. Elle ne devait pas mourir. Elle ne mourrait pas. Il survivrait avec elle. Pas question de laisser derrière
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