Le retour

madame Morin, dit Pierre.
     
    - C'est pas du
pâté à la viande, c'est de la tourtière, affirma Laurette avec bonne humeur.
     
    - Je veux pas
vous contrarier, mais de la tourtière, c'est comme ce que ma mère fait, au lac
Saint-Jean. Ça a pas pantoute le même goût.
     
    - Comment ça?
     
    - Ben, là, je m'y
connais pas trop en cuisine, mais il me semble ben qu'une tourtière, chez nous,
c'est pas comme un pâté comme vous faites.
     
    - Ah non? fît
Laurette, l'air soudainement moins aimable.
     
    Tout le monde se
tut autour de la table. Denise donna un léger coup de pied à son compagnon pour
le prévenir de ne pas insister. Pierre ne tint aucun compte de l'avertissement.
     
    - Chez nous, ma
mère fait ça dans un gros chaudron.
     
    Sa tourtière est
faite avec des cubes de boeuf, de porc, de veau, de poulet et de patates. Il y
a aussi des oignons et ça baigne dans le bouillon. Sur tout ça, il y a une pâte
à tarte.
     
    - Ça doit avoir
un ben drôle de goût, cette affaire-là, laissa tomber Laurette, un peu
méprisante.
     
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    - C'est pas
mauvais pantoute, madame Morin, il faudrait que vous y goûtiez un jour. Mais
c'est sûr que c'est pas aussi bon que votre pâté à la viande.
     
    Ce compliment
ramena le sourire sur le visage de l'hôtesse.
     
    - Il reste encore
du pâté à la viande, comme dit Pierre, et un peu de ragoût, offrit-elle quand
tout le monde eut vidé son assiette.
     
    - On est mieux de
se garder un peu de place pour le dessert, répliqua Gérard en lorgnant les
tartes dorées déposées sur le comptoir.
     
    Carole et Denise
se chargèrent de distribuer une généreuse portion de tarte aux raisins ou aux
dattes à chacun. Après avoir mangé, on remercia Laurette pour l'excellent
réveillon qu'elle avait cuisiné.
     
    - C'est ben du
trouble à préparer, reconnut-elle, mais c'est tellement bon que ça vaut la
peine.
     
    On rangea la
nourriture et Pierre Crevier prit congé après avoir remercié encore ses hôtes.
Après son départ, les jeunes, fatigués, s'empressèrent de regagner leur chambre
à coucher. Laurette demeura quelques instants de plus dans la cuisine aux côtés
de son mari.
     
    - Ça a été une
belle fête, déclara ce dernier, l'estomac tout de même tiraillé par une
digestion un peu difficile.
     
    - Oui. J'ai eu
tout un cadeau, fit Laurette en ne parvenant pas à détacher son regard de son
téléviseur.
     
    - Tu vas voir
qu'il sera pas encombrant pantoute, dit son mari. Une fois l'arbre de Noël
parti, on va pousser la table à sa place. As-tu pensé que tu vas enfin pouvoir
regarder Séraphin à la télévision, chanceuse?
     
    - Toi aussi, fit
Laurette.
     
    - Ben non, pas
moi, dit Gérard avec regret. Je travaille le soir. Je pourrai jamais la
regarder, sauf le samedi soir.
     
    Je pourrai même
pas voir la lutte, le mercredi soir.
     
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    - C'est de
valeur, reconnut Laurette, mais ton hockey, le samedi soir, tu vas pouvoir le
regarder.
     
    - C'est vrai, ça.
J'y avais pas pensé, dit son mari, tout réjoui par cette perspective.
     
    - Combien t'as
payé cette télévision-là? demandât-
    elle.
     
    - Pas cher.
     
    - Aïe, Gérard! Je
magasine assez souvent pour savoir à peu près combien ça vaut. T'as pas payé ça
comptant?
     
    - Ben non,
reconnut son mari.
     
    - On va pas être
poignes avec des paiements tous les mois, j'espère? demanda Laurette, soudain
alarmée.
     
    - Des tout petits
paiements, la rassura Gérard. Inquiète-
    toi pas avec ça.
Je m'en occupe. Tu sais ben que du monde comme nous autres, si on attend
d'avoir tout l'argent pour acheter un gros morceau comme ça, on l'achèterait jamais.
     
    Là-dessus,
Laurette se dirigea vers sa chambre d'où sortaient les ronflements sonores de
sa belle-mère.
     
    - Bout de viarge!
jura-t-elle à mi-voix. J'avais complètement oublié qu'elle ronflait aussi fort,
elle. Je te dis que je vais avoir àufun pour essayer de dormir.
     
    Gérard la suivit
de près dans le couloir après avoir éteint le plafonnier de la cuisine et
ajouté un peu de charbon dans la fournaise du couloir. Il pénétra ensuite dans
la chambre de Jean-Louis et se mit au lit.
     
    Plusieurs heures
plus tard, Laurette se réveilla en sursaut. Il faisait clair à l'extérieur. Il
lui fallut quelques instants avant de réaliser que sa belle-mère n'était plus à
ses côtés dans le lit. Elle se leva précipitamment après que son réveille-matin
lui eut appris qu'il était un peu plus que onze