Le retour
passage, il jeta un
coup d'oeil à la crèche extérieure et tout de suite, il se rendit compte que le
petit Jésus avait un aspect anormal.
Il n'hésita qu'un
bref moment avant d'enjamber la clôture de fer forgé pour s'approcher de la
crèche. Il s'aperçut immédiatement que la statue en plâtre était brisée à deux
endroits.
Damien Perreault
oublia sa promenade et se précipita vers le presbytère où il retrouva ses deux
vicaires en train de jouer aux cartes dans le salon.
- J'espère que
vous êtes contents? demanda-t-il, sarcastique, en retirant son paletot noir.
- Contents de
quoi, monsieur le curé? fit René Laverdière, apparemment surpris.
- Comme je vous
l'avais dit et redit, des voyous ont brisé la crèche. Vous avez rien vu,
naturellement?
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- Qu'est-ce
qu'ils ont cassé, monsieur le curé?
demanda Yvon
Dufour en se levant.
- L'enfant Jésus!
Ils lui ont arraché la tête et un bras.
- Vous êtes sûr
de ça? reprit René Laverdière.
- Dites donc,
l'abbé, je suis pas aveugle, bondance!
s'emporta Damien
Perreault. Votre idée aura coûté une statue à la paroisse.
- Qu'est-ce qu'on
va faire, monsieur le curé? demanda l'abbé Dufour.
- Il y a rien à
faire, l'abbé. On va laisser la crèche là jusqu'après le jour de l'An. J'en
parlerai même pas en chaire. Mais je vous garantis que c'est fini les crèches
dehors à Saint-Vincent-de-Paul.
Ce soir-là, la
vaisselle du souper fut lavée en un tour de main chez les Morin et on disposa
les chaises en un demi-
cercle devant le
téléviseur que Laurette alluma cérémonieusement.
Le visage de
Michelle Tisseyre apparut sur l'écran pour annoncer Lucille Dumont, la première
invitée de son émission Music-Hall.
- C'est elle,
Lucille Dumont? demanda Gérard.
- On le dirait
ben, répondit sa femme.
- Depuis le temps
qu'on l'entend chanter au radio, j'aurais jamais cru que c'était une aussi
belle femme, ajouta-t-il.
Un pli de
mécontentement apparut à la commissure des lèvres de Laurette. C'était bien
beau la télévision, mais il fallait tout de même pas qu'elle excite trop son
mari chaque fois qu'il verrait une belle femme.
- Moi, je la
trouve pas si belle que ça, laissa-t-elle tomber.
Chapitre 20
La nouvelle année
Le lendemain de Noël, la routine reprit ses droits. Un fort vent avait chassé
les nuages qui avaient encombré le ciel durant les derniers jours, mais cela
avait considérablement refroidi la température.
Dès le début de
l'avant-midi, Carole aida sa mère à faire le lavage et à étendre le linge sur
les cordes tendues dans la cuisine et dans le couloir, transformant ainsi la
maison en un vaste sauna aux fenêtres embuées.
- Je commence à
avoir hâte en bonyeu que cet arbre de Noël là soit plus dans mes jambes, disait
Laurette pour la troisième fois de l'avant-midi.
Elle trouvait
difficile d'avoir à composer avec la présence de l'arbre et du téléviseur dans
une cuisine déjà encombrée de deux chaises berçantes, d'une demi-douzaine de
chaises, d'une table, d'un réfrigérateur et d'un poêle.
Denise et Richard
étaient retournés à leur emploi régulier tandis que Gilles avait réintégré son
travail à temps partiel chez Living Room Furniture. Jean-Louis avait quitté la
maison aussi tôt que ses frères et sa soeur dans l'espoir de se dénicher un
emploi.
A la fin de
l'après-midi, le jeune homme avait été le premier à rentrer à la maison, la
mine basse et sérieusement gelé. Il était évident que sa quête avait été
stérile.
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Durant la
semaine, les Morin se familiarisèrent avec la télévision et, peu à peu,
apprirent à ne pas attendre nécessairement la fin des émissions, à onze heures,
pour aller se coucher. Au milieu de la semaine, Laurette invita même Rose
Beaulieu à venir regarder une émission, un soir, dès que son mari s'absenterait
pour son travail à la Dominion Textile.
La voisine ne
vint pas seule. Son fils René l'accompagna.
Si Laurette
n'avait pas été si occupée à vanter les agréments apportés par son cadeau de
Noël, elle aurait sûrement remarqué l'intérêt évident de l'adolescent pour sa
Carole.
La veille du jour
de l'An, Pauline Brûlé téléphona à sa belle-soeur pour l'inviter, elle et sa
famille, à souper à la maison, le lendemain soir.
- Je sais pas
trop si on va pouvoir y aller, déclara Laurette à
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