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Le rêve de Marigny

Le rêve de Marigny

Titel: Le rêve de Marigny Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Monique Demagny
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adressées. Il les classa, elles étaient généralement chiffrées par les demandeurs, il évalua rapidement ce qui était raisonnable, prépara un mémoire succinct pour les inspecteurs qui iraient constater et vérifier la nécessité des travaux. Il avait déjà rédigé sa réponse pour les demandes par trop fantaisistes. Le refus était toujours courtois et justifié. Quand tout serait chiffré il présenterait au roi la liste des travaux les plus nécessaires. Il était évident que tout le monde ne serait pas satisfait, mais Versailles était un gouffre et le budget des Bâtiments n’avait jamais été aussi maigre. Il fallait faire beaucoup, et avec peu d’argent. Vandières était résolu à prendre le temps d’arpenter lui-même les méandres des habitations versaillaises le plus souvent qu’il le pourrait, ne serait-ce que pour témoigner de l’intérêt qu’il portait aux soucis quotidiens des résidents. Tout cela n’était que broutille mais d’une nécessité quotidienne et absolue.

    Vandières en vint à s’impatienter devant les litanies de ses correspondants. En quelques heures, en quelques jours, il s’était senti submergé par les prétentions et les plaintes de la très nombreuse population du château. Allait-il se cantonner à ces misérables problèmes d’intendance ? Un moment vint dans les premiers jours de son mandat où il sentit clairement qu’il fallait s’extirper du marécage des réclamations. Il repoussa d’un geste irrité les feuilles qu’il avait pourtant lues avec attention.C’était trop ! Il savait pourtant ce qui l’attendait, une correspondance assidue avec Tournehem l’avait averti des petites et des grandes tâches qu’il devrait assumer. Mais fallait-il faire le voyage d’Italie pour régler au retour les problèmes de réchauffoirs et de miroirs de la population du château ?
    Il secoua sa mauvaise humeur, décida en toute conscience que réchauffoirs qui ne réchauffaient rien et planchers écroulés attendraient bien une journée de plus. Il lui fallait de toute urgence se dégourdir les jambes et l’esprit. Quoi de mieux pour cela que d’aller se mesurer à l’Architecte du Roi ? Là au moins les choses pour n’être pas faciles pouvaient être passionnantes. Le grand chantier à l’ordre du jour était celui de la place qui à Paris serait dédiée au roi et dont l’ornement central serait sa statue équestre, déjà commandée à Bouchardon. L’affaire de la statue au moins était réglée, encore qu’on ne sût pas où on allait bien pouvoir la mettre. Vandières était persuadé que les discussions seraient âpres, Gabriel entendait bien être maître du projet. Que dire à cela ? Il était le Premier Architecte du Roi. Abel toutefois était Directeur des Bâtiments, au bout du compte c’était lui qui trancherait. Belle occasion pour l’un comme pour l’autre de confronter leurs opinions, leur combativité, et leur poids.
    Visage mince, silhouette sèche, point de rondeurs dans toute sa personne, le Premier Architecte du Roi était tout en angles et en hauteur. Ce n’était point par sa taille qu’il prétendait dominer, il était plutôt petit, c’était la morgue qui le redressait. Il avait pour lui l’ancienneté dans le titre, l’expérience, et l’âge. Tropvieux ? Trop ancré dans la tradition ? On voulait plaisanter sans doute ! Gabriel se targuait de modernité, pourvu que ce fût lui qui innovât, avec prudence. Il étira un sourire en demi-teinte et toisa le jeune Directeur comme il l’aurait fait pour un architecte novice prétendant à l’honneur d’être reçu à l’Académie quand il n’avait pas encore fait ses preuves. Le débat s’engagea, du bout des lèvres pour l’architecte. Le petit frère cherchait à s’imposer ? Ce n’était pas un parvenu tombé de la dernière pluie qui lui en imposerait ! Quelques répliques bien sèches allaient lui clouer le bec et il irait pleurer dans le giron de sa sœur. Non. Vandières affichait un sourire de courtoisie démenti par l’éclat glacial d’un regard dont le Premier Architecte essuyait la primeur. Le nouveau promu connaissait parfaitement le dossier et sa seule conclusion était une fin de non-recevoir à tous les arguments de Gabriel pour conserver par-devers lui l’exclusivité du projet. La conclusion de l’entretien tomba, glaciale.
    — Nous allons y travailler.
    Ce jeune arrogant avait-il la prétention de confisquer le prodigieux

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