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Le Roi amoureux

Le Roi amoureux

Titel: Le Roi amoureux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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figure piteuse et grimaçante se penchait sur lui.
    – Quoi ! murmura Tenorio, je revois encore en rêve ce drôle, ce faquin, ce bélître, ce Jacquemin ! Quel cauchemar, Seigneur ! Quand vais-je m’éveiller ?
    – Vous ne rêvez pas, monsieur, dit Corentin mélancolique.
    Et il continua d’humecter d’eau fraîche les tempes et le front du blessé.
    – Que veux-tu dire ? s’écria don Juan. Vas-tu prétendre que c’est toi-même que je vois ici ?
    – C’est moi-même, je le jure, dit Corentin.
    – Et d’où sors-tu, en ce cas ? Et que fais-tu ici ? Et pourquoi t’es-tu absenté si longtemps ?
    – J’étais en prison, monsieur.
    – Et qui t’a permis d’aller en prison ?
    En même temps, don Juan se relevait, et, avec l’aide du fidèle Corentin, se mettait debout. La tête lui tournait bien un peu ; mais en somme, il se tenait droit sans trop de peine, et ce malaise, grâce à la fraîcheur de la nuit – ou plutôt de la matinée – se dissipait assez vite.
    – Voyons, reprit don Juan, ne viens-tu pas de m’avouer que, pour je ne sais quel crime, tu as été jeté dans un cachot du Châtelet ?
    – Je n’en ai point parlé, monsieur, fit Corentin étonné. Mais il est très vrai que je sors de prison. Oui, monsieur ! Et il y a quelques heures à peine, j’étais, moi, Jacquemin Corentin, attaché sur le pilori de la Croix-du-Trahoir, d’où je devais être ramené, minuit sonnant, au Châtelet, pour de là, ce matin même, être reconduit à ladite Croix-du-Trahoir et y être pendu entre ciel et terre…
    Don Juan se frappa le front, comme si une idée soudaine lui fût venue.
    – Mais j’y pense ! s’écria-t-il. J’ai sur moi, non pas un onguent, mais une prière que certain évêque de mes amis composa tout exprès pour moi : « Quand vous serez à l’article de la mort, me dit ce saint et savant homme, récitez cette prière, et la mort vous semblera douce comme un sommeil paisible. » Veux-tu cette prière, mon bon Corentin ?
    – Sur ma foi, monsieur, dit Jacquemin avec ferveur, je vous en serai reconnaissant toute ma vie !
    – C’est-à-dire cinq ou six heures à peine.
    – C’est vrai, hélas ! C’est tout ce qui me reste à vivre.
    – Tiens, dit don Juan, voici cette prière, lis-la tout de suite !
    Et il tira de son pourpoint un parchemin que saisit Corentin. Le pauvre garçon essuya ses yeux, et, à la faible lueur qui tombait de la veilleuse du sanctuaire, se mit à lire le parchemin.
    Et bientôt, la feuille trembla dans ses mains…
    L’instant d’après, il poussa un cri, un cri de joie terrible, le cri du condamné à qui, à la minute suprême, on accorde grâce pleine et entière ! Jacquemin courut à don Juan, et, se jetant à genoux :
    – Ah ! monsieur, en croirai-je mes yeux ? Ou suis-je le jouet d’un rêve ?
    – Quoi ? Que veux-tu dire, drôle ?
    – La prière, monsieur, la prière !…
    – Eh bien ? Qu’y trouves-tu à redire ?
    – Ce n’est pas une prière, monsieur ! Ce sont lettres patentes m’accordant, de par le roi, remise de ma peine et ordonnant ma mise en liberté. Vive le roi ! Vive le roi !…
    C’était en effet, l’ordre de grâce et d’élargissement que Loraydan avait remis à Juan Tenorio, à la Devinière, non sans lui faire observer avec une certaine aigreur que solliciter la royale clémence pour un valet lui avait paru un vrai gaspillage de son influence de courtisan.
    Don Juan écouta Jacquemin Corentin lui rappeler qu’une fois déjà il avait été sauvé de la mort par le vénéré don Luis Tenorio. Et maintenant, ce qu’avait fait le père, le fils le recommençait avec la même magnanimité. Comme Jacquemin lui jurait qu’à partir de cet heureux moment, sa respectueuse affection allait se trouver décuplée, Juan Tenorio lui dit :
    – Tu te calomnies, Corentin. Tu ne m’en aimeras ni plus ni moins, car tu es de ces cœurs infiniment rares qui, pour donner, n’attendent pas d’avoir reçu…
    Mais ce genre d’effusion se trouvait à l’antipode de l’esthétique d’attitudes qu’il s’était tracée, ou plutôt qu’il avait adoptée d’instinct. Le brave Corentin, qui n’y voyait pas malice et ignorait l’art délicat de mesurer ses paroles, continuait à se frapper la poitrine et à certifier sa reconnaissance éperdue :
    – Eh ! bélître, je ne l’ai pas fait exprès ! s’écria don Juan.
    Et avec un sérieux qui fit frémir

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