Le Roi amoureux
mots brefs, rapides, elle indique à la camériste. Et quand elle est prête, vêtue telle qu’une noble Madrilène, un jour de réception à la cour de Charles-Quint, la camériste ne peut retenir un cri d’admiration qui, par hasard, est sincère :
– Oh ! madame, que vous êtes belle !
Léonor sourit en jetant un coup d’œil au miroir, oui, elle sourit, la vaillante fille, elle sourit à cette grâce harmonieuse, à cette pure beauté que lui montre le miroir, et comme des pleurs vont éclore à ses paupières, elle les écrase du doigt, elle murmure :
– Non, non, pas de larmes, il faut être belle, il le faut… Jacques Aubriot se montre alors :
– Faites préparer la litière, la belle, celle qui a des rideaux de brocart… celle que mon père avait achetée pour me conduire au Louvre…
– Dans quelques minutes elle sera prête ! dit l’intendant. Mais, madame, il vient d’arriver à l’hôtel deux bons pèlerins qui viennent des pays du Nord et se rendent à Rome dans l’espoir de s’agenouiller aux pieds de notre très Saint Père. Ils demandent l’hospitalité.
– Qu’ils soient les bienvenus. Peut-être leurs prières… veillez à ce qu’ils ne manquent de rien, et dites-leur qu’ils peuvent séjourner autant de jours qu’ils voudront dans la demeure du commandeur d’Ulloa.
L’intendant se précipite pour exécuter ces ordres. Puis Léonor, à son tour, descend. Dans le vestibule, elle trouve Bel-Argent qui l’attend :
– Vous savez où se trouve le sire de Ponthus. Dites-le moi à l’instant.
Bel-Argent demeure ébahi.
« Comment diable peut-elle savoir ? Qui lui a dit ?…
« Léonor ne sait pas. Mais elle est sûre… Nul ne lui a dit. Mais l’amour lui parle.
– Eh bien ! dit Bel-Argent, il est… ou plutôt, il était cette nuit rue de la Hache avec Lurot-qui-n’a-pas-froid-aux-yeux et Pancrace-à-la-cicatrice, à la taverne du Porc-qui-Pique, chez Alcyndore, ma très noble dame, et c’est un asile, un bon, vu qu’il tue les mouches à plus de cent pas. Le pauvre sire a été trahi. Cet escogriffe de Jacquemin Corentin m’a assuré que la rue de la Hache est pleine de gardes qui crient à la mort.
– Il faut donc que vous alliez rue de la Hache, dit Léonor.
– J’y vais, de par tous les diables, et près de lui, la dague au poing…
– Non, interrompit Léonor. Ne pas vous faire tuer, ni prendre. Il me faut savoir ce qui arrive. Il le faut. Voyez, écoutez, et venez me rendre un compte fidèle.
Bel-Argent s’élance, et Léonor monte dans la belle litière de cérémonie, saluée très bas par les deux bons pèlerins.
Chose assez curieuse, l’un de ces pèlerins sort de l’hôtel et, de loin, se met à suivre la litière.
Elle traverse Paris, arrive au Louvre, se présente à la porte qui ouvre devant Saint-Germain-l’Auxerrois. La dame d’Ulloa se nomme à l’officier de garde qui, aussitôt, lui offre la main et la conduit à une antichambre où se trouve le capitaine général du Louvre.
M. de Bervieux s’empresse auprès de la fille du commandeur Ulloa, la prie d’attendre, tandis qu’il entre dans le cabinet royal.
Une minute. Et Léonor, par M. de Bervieux lui-même, est introduite auprès du roi qui, dès qu’il la voit entrer, s’écrie sur un ton de bonne humeur mêlée de sévérité :
– Venez-vous m’apprendre que vous cédez enfin aux vœux de ce pauvre Loraydan ?
Léonor s’approche du fauteuil où le roi est resté assis.
Et elle s’agenouille.
– Sire, dit-elle, je viens demander justice à Votre Majesté…
François I er , vivement, se penche sur elle, la prend par la main, et la relève :
– Quelle justice ? Parlez sans contrainte. Le commandeur votre père nous a rendu de trop signalés services pour que sa fille n’ait pas des droits sur notre royale bienveillance. Justice pour quoi ?
– Justice pour Clother, seigneur de Ponthus…
– Pour ce rebelle !
Et Léonor avec une tragique simplicité :
– Pour mon fiancé, Sire !
– Loraydan m’avait donc dit vrai ? Je ne voulais pas croire que Léonor d’Ulloa pût oublier ce qu’elle se doit à soi-même au point d’écouter avec faveur un misérable promis au bourreau. Quoi ! c’est vous qui osez vous proclamer la fiancée de cet homme ? Prenez huit jours de réflexion et faites-moi savoir alors par votre fiancé, le comte Amauri de Loraydan, que la fille du commandeur d’Ulloa en a fini avec la
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