Le roi d'août
tolérerai pas.
Bernard de Vincennes conseillait le roi depuis quinze ans et c'était son premier échec. À dater de ce jour, il se fit plus rare dans les conseils et finit par n'y plus paraître du tout. Il devait mourir quelques années plus tard.
Philippe, une fois la tête froide, donna effectivement l'ordre d'incarcérer à nouveau André et Guillaume : les deux hommes devaient passer en prison de longs mois qu'ils occuperaient à écrire au roi, à la reine, au pape, au souverain danois, des lettres qui, toutes, finiraient entre les mains du destinataire des premières ou d'un de ses proches.
Il dépêcha ensuite un message aux évêques de France, les informant que ceux d'entre eux qui promulgueraient l'arrêt du pape verraient aussitôt leurs biens saisis. Quelques récalcitrants se rendirent promptement compte qu'il ne menaçait pas à la légère.
Vers la fin du mois de juin, les ambassadeurs envoyés en Germanie revinrent à Paris, porteurs d'un refus. Les parents de la jeune fille n'avaient pas vu l'union d'un mauvais œil, et l'empereur lui-même y semblait favorable, mais la principale intéressée s'y était opposée avec assez de ferveur pour obtenir gain de cause. Quant aux raisons de son attitude, on fut bien obligé d'admettre qu'Agnès connaissait l'histoire d'Isambour et considérait Philippe comme une sorte d'ogre. La rancœur qu'éprouvait le roi à l'égard de son épouse s'en trouva renforcée.
Il n'eut cependant guère le loisir de ressasser de sombres pensées, car les combats contre Richard reprirent en juillet. Ils ne se prolongèrent cette fois que quelques mois, sans que l'un ou l'autre des adversaires obtînt un avantage décisif : les Français, ayant eu le temps de se reposer et de regrouper leurs forces, ne cédaient plus comme l'année précédente aux assauts des Anglais. Les deux armées, en outre, sans parler du reste du pays, souffraient de la famine due à la mauvaise récolte, et nul n'aimait à se battre l'estomac vide.
La nouvelle que les Chrétiens d'Espagne se trouvaient sur le point de subir une agression musulmane poussa l’Église à s'interposer au début de l'hiver : que les princes occidentaux gardent leurs forces en prévision d'une intervention éventuelle. Philippe et Richard, qui s'apprêtaient malgré leur lassitude à en découdre une fois de plus, à Issoudun, saisirent l'occasion de conclure une trêve. Un traité fut signé. Il privait la France d'une bonne partie de ses conquêtes, ce qui ne la satisfaisait pas, mais lui en laissait une autre partie, dont Gisors, ce qui ne satisfaisait pas l'Angleterre. Ni l'une ni l'autre n'envisageaient d'en rester là. Ce fut d'ailleurs le moment que choisit le Plantagenêt, ostensiblement par désir de conciliation, en vérité comme un camouflet, pour renvoyer en France la triste Adélaïde, cette pauvre fille expédiée tout enfant en Angleterre pour y devenir l'épouse d'un duc, déshonorée par un vieux roi lubrique et désormais rejetée de tous. Puisqu'il n'était plus question de la donner à Jean Sans Terre, Philippe lui trouva vivement un mari en la personne d'un petit seigneur convaincu qu'à princesse donnée, on ne regardait pas la virginité, et il se hâta de l'oublier. Pour lui, après tout, c'était une inconnue.
Pendant ce temps, une deuxième héritière teutonne avait esquivé sa proposition, de fort romanesque façon : elle s'était fait enlever par le chevalier qu'elle aimait au milieu du cortège chargé de l'escorter en France. À celle-là, qui ne l'avait pas repoussé parce qu'elle le craignait mais parce qu'elle était éprise d'un autre, Philippe n'en avait pas voulu.
Il se résigna à une troisième demande, concernant cette fois une des filles du roi de Sicile. Comme les deux premières, elle fut repoussée, et le Capétien se rappela l'avertissement de son oncle : vous avez failli renvoyer la première, vous renvoyez la deuxième : quelle princesse acceptera sans trembler de devenir la troisième ?
Refusant de baisser les bras, il reportait ses regards vers l'Empire et briguait la main de la fille du duc de Méranie, une autre Agnès, quand Célestin III, sollicité par le parti d'Isambour et fâché qu'on eût intercepté ses courriers, envoya en France un légat, le prieur de Sainte-Praxède, personnage d'une dignité telle qu'il n'était pas envisageable de l'emprisonner.
Après avoir dit son fait à Guillaume aux Blanches Mains pour la complaisance qu'il avait
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