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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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pour lui, mais de ce qu'elle en avait deviné ou aperçu, elle sentait que le spectacle de ses ébats lui donnerait envie de vomir. Philippe, à tout le moins, n'était pas brutal et n'avait aucun goût pour les accessoires. L'unique fois où il l'avait fait attacher, par dépit, il en avait éprouvé grande honte et grand remord. Le Plantagenêt, lui, ignorait ces sentiments.
    Par bonheur, lorsqu'elle arriva en son château, elle le trouva dans la grand salle, préoccupé par tout autre chose que la gaudriole. Ainsi, elle apprit la mésaventure d'Aliénor et entendit Guillaume des Roches convaincre Jean de voler au secours de sa mère.
    Sa première réaction fut l'inquiétude pour la vieille reine, auprès de laquelle elle se précipita. Elle la trouva paisiblement endormie dans ses appartements du château de Mirebeau, dont les greniers étaient pleins et la garnison en alerte, si bien que le siège avait peu de chances d'aboutir avant l'arrivée des renforts. Rassurée sur ce point, elle connut alors un dilemme : devait-elle avertir Philippe de ce qui se préparait ? Si Jean vainquait Arthur, ce serait pour la France un revers non négligeable. Toutefois, Isambour respectait trop Aliénor pour envisager sans honte d'en favoriser la capture humiliante. Cette femme-là avait traversé l'essentiel d'un siècle en véritable tornade, sans jamais s'en laisser conter par les hommes censés la dominer. Elle aussi avait été reine de France. Elle aussi avait été emprisonnée. Sans doute on la disait de mœurs légères, on lui prêtait des amants jusqu'à un âge avancé, mais cette réputation, même fondée, ne pesait guère face à ses accomplissements.
    Philippe arriverait trop tard, de toute façon, raisonna Isambour, trouvant ainsi un argument décisif pour ne pas intervenir – et en éprouvant un soulagement qu'elle n'attribua que plus tard, après mûre réflexion, à sa crainte de rencontrer son époux.
    Jusqu'à la fin, cependant, elle revint périodiquement au château de Mirebeau afin de s'informer des progrès du siège. Un soir, lorsqu'elle s'y présenta, l'armée d'Arthur avait disparu, disséminée dans des cachots ; celle de Jean sans Terre la remplaçait.
    Dans la grand salle où l'on achevait de souper, Guillaume des Roches tentait de convaincre son suzerain d'accorder une certaine mansuétude à ses prisonniers.
    — Même s'ils se sont rebellés, de nobles barons tels que les Lusignan ne méritent pas d'être ainsi mis aux fers. Songez à leur humiliation !
    — Je ne songe qu'à cela, assura Jean avec un sourire mauvais. Quiconque s'oppose à moi doit être prêt à en subir les conséquences. La prochaine fois, peut-être hésiteront-ils à me défier.
    — Mais votre neveu, sire ! Un enfant qui…
    — Un enfant qui n'était pas trop jeune pour briguer mon trône ! coupa le Plantagenêt, irrité. Celui-là n'est pas près de revoir la lumière du jour s'il la revoit jamais, je vous le garantis. (Il leva la main pour interdire à son interlocuteur toute protestation.) Je vous serai reconnaissant de ne pas insister, messire sénéchal : j'en viendrais presque à vous soupçonner de trahison. Ce ne serait pas la première fois que vous changeriez de camp.
    Guillaume des Roches ne voyait pas les choses de cette façon. Certes, il s'était tourné selon les cas vers la France ou l'Angleterre, mais il n'avait eu en cela qu'un seul but : servir l'Anjou. De son point de vue, il était donc resté fidèle à la même cause. Il n'envisageait pas de l'abandonner.
    — Vous ne changerez jamais, mon fils, déclara Aliénor, maussade, quand le sénéchal eut pris congé. Votre cruauté vous fera toujours agir en dépit de vos intérêts.
    — Ma cruauté ? Et de qui la tiens-je, je vous le demande ? (Jean marqua une pause ; ses petits yeux brillants se plissèrent.) Je vous le demande vraiment, ma mère.
    Aliénor sursauta.
    — Que voulez-vous dire ?
    Il s'empara du couteau posé au bord de son écuelle et entreprit de se curer tranquillement les ongles.
    — Aujourd'hui, je vous ai sauvée de la captivité et de l'humiliation, reprit-il sans la regarder dans les yeux. Je l'ai fait de bon cœur, car j'ai pour vous la profonde tendresse que vous savez, aussi ne veux-je rien en échange… sinon la réponse à une question.
    — Laquelle ?
    — Celle que je viens de vous poser. Mais puisqu'il me faut apparemment préciser ma pensée, je vous serai obligé de me suivre en mes

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