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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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pouvait encore résister des semaines.
    Philippe ne s'inquiétait pas d'un possible retour en force de Jean sans Terre qu'il savait très occupé à honorer sa jeune épouse et à spolier ses barons en Angleterre. Toutefois, il avait horreur de perdre du temps : un nouveau renversement d'alliances pouvait se produire à tout moment ; en pareil cas, il voulait avoir consolidé ses positions.
    Un soir du début mars, alors qu'il méditait sa stratégie au sein des appartements qu'il s'était attribués dans un bâtiment de la première enceinte, Isambour lui apparut.
    Elle ne surgit pas du sol devant lui pour l'impressionner ou l'effrayer. Quittant la muraille dans la pièce voisine, elle prit le temps de s'envelopper d'un large carré d'étoffe puis, telle une visiteuse ordinaire, frappa à la porte de son époux.
    Philippe lui donna la permission d'entrer sur un ton irrité. Comme il posait la plume – il traçait un plan grossier de la troisième muraille à la lueur d'une chandelle –, il réalisa que l'importun venait de sa chambre, censément vide et ne possédant qu'une issue. Voir Isambour se profiler dans l'encadrement le surprit à peine.
    — Quand donc me laisserez-vous en paix ? soupira-t-il.
    — Je suis venue vous dire qu'Arthur est mort, déclara la reine sans préambule. Jean l'a fait assassiner un peu avant la Nativité. Je…
    Soudain, ses yeux s'emplirent de larmes, sa voix se brisa.
    — Pardonnez-moi, reprit-elle en essuyant les pleurs qui coulaient sur ses joues. Je croyais être capable d'en parler, à présent, mais… (Elle secoua la tête.) Je n'ai jamais rien vu de plus horrible.
    Une fois rentrée dans sa forteresse, le soir du meurtre, elle était tombée malade. Non pas du corps mais de l'esprit. Près de trois mois durant, elle n'avait plus quitté Étampes, pleurant et frissonnant chaque fois que les images de Rouen remontaient en elle, redoutant de sortir si c'était pour assister à pareilles atrocités : un assassinat de sang froid, commis sur la personne d'un jeune garçon inoffensif, aliéné de surcroît, et par un être que sa charge eût dû contraindre à toutes les vertus. Parfois, la nuit, lorsque l'éveillait un cauchemar où elle tenait le rôle d'Arthur, elle se disait qu'elle avait eu, dans son malheur, de la chance d'épouser Philippe plutôt que Jean. Du second, qu'elle avait souvent épié, par curiosité, depuis qu'elle connaissait ses origines, elle ne voulait plus jamais s'approcher.
    Le premier, hélas, n'était pas d'humeur à comprendre son malaise – sans parler de la consoler.
    — Mais de quoi parlez-vous donc ? interrogea-t-il, bourru. Arthur est mort, vous dites ? Qu'en savez-vous ?
    Isambour déglutit douloureusement avant de répondre.
    — J'étais présente. Du moins… au début. Je me suis enfuie très vite.
    Philippe n'eut pas besoin d'autre explication. Que Jean eût fait tuer son neveu n'avait rien pour le surprendre : en fait, on craignait pour la vie du jeune duc depuis sa capture, au point que les traités signés entre la France et les seigneurs de l'Ouest tenaient compte de la possibilité qu'il fût mort.
    — Pourquoi venir me l'apprendre ? s'enquit-il, moins agressif.
    — J'ai… j'ai pensé que cette information pourrait vous être utile, répondit Isambour qui retrouvait son empire sur elle-même.
    — Et qu'elle m'inciterait à vous rappeler auprès de moi, je suppose ? Pourquoi, en ce cas, ne pas être venue plus tôt ?
    — C'est ce que j'essaie de vous dire. J'ai été tellement horrifiée que j'en suis devenue incapable d'agir. En outre… (Elle baissa les yeux.) En outre, lors de notre dernière rencontre, nous ne nous étions pas quittés dans les meilleurs termes : j'appréhendais de vous revoir, je ne vous le cache pas.
    — Vous n'avez rien à craindre de moi, assura Philippe avec une grimace gênée. Ce qui s'est produit…
    — Nul besoin de vous justifier, sire, le coupa-t-elle. Je sais que votre geste était inspiré par le chagrin et je ne vous en veux point. Ne vous ai-je pas déjà dit que je vous pardonnerais toujours tout ? Ce que je craignais, c'était que vous me pensiez encore responsable de la mort d'Agnès.
    Une lueur de colère flamba dans l'œil unique de Philippe. Le coin de ses lèvres se retroussa sèchement.
    — Eh, par tous les saints ! Ne l'êtes-vous pas ? s'emporta-t-il.
    — Je ne sais si elle vous l'a révélé, mais je m'étais entretenue avec elle, nous étions

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