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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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Normandie. Désormais, vous n'obéirez qu'à votre roi, qui est devant vous et ne vous abandonnera jamais.
    Et puisqu'il n'avait rien d'autre à faire, de Lascy se soumit.
    — Eh bien ? lança Isambour lorsqu'elle retrouva son époux dans sa pièce de travail. Direz-vous encore que je ne puis vous être utile ? Je vaux presque, à moi seule, toute votre armée.
    — Vantardises et balivernes, répliqua Philippe d'un ton sec. Mes sapeurs seraient tôt ou tard venus à bout de cette muraille : vous m'avez fait gagner trois jours, en tout et pour tout. Il n'y a pas là de quoi vous prendre pour la fée Morgane.
    La reine, qui s'attendait au moins à de la reconnaissance, peut-être à de l'admiration, reçut ces paroles à la manière d'une douche froide.
    — Mais même en supposant que ce soit vrai, balbutia-t-elle. Trois jours, est-ce que cela ne compte pas, dans une campagne ? Est-ce que…
    — Je respecte trop mes soldats pour recourir à un être tel que vous, coupa-t-il. À présent, je vous prie de m'excuser, mais j'ai à faire.
    Il évitait soigneusement de la regarder en face, conscient de laisser ses pulsions, son déséquilibre, prendre le pas sur sa raison. Les services que pourrait lui rendre son épouse étaient inestimables, seul un fou ou un imbécile en eût douté. Avec elle de son côté, aucune ville, aucune place-forte ne lui résisterait. Mais ces services avaient un prix décidément trop élevé.
    Il s'apprêtait à congédier de nouveau une reine stupéfiée de son attitude quand un coup fut frappé à la porte donnant sur la cour. Mal fermé, le battant pivota de lui-même pour révéler la large silhouette du frère Guérin. Comme Philippe et Isambour sursautaient, la jeune femme laissant échapper un petit cri de surprise, l'Hospitalier s'inclina avec humilité.
    — Je vous supplie de me pardonner, sire, je n'avais nulle intention de m'immiscer aussi brutalement. Je venais faire le point de la situation avec vous, mais cela peut attendre demain. Je vois que vous êtes occupé.
    — Oui, c'est cela, Guérin, répondit le roi, embarrassé. Demain, dès l'aube, ce sera très bien.
    — De toute façon, nous n'attendions pas si tôt la chute du Château-Gaillard. Elle nous permet de prendre notre temps. J'ai trouvé nos sapeurs particulièrement efficaces, ce soir… (Il s'inclina à nouveau.) Bonne nuit, sire. (Se tournant vers Isambour, le religieux la salua également, moins bas que le roi mais avec un respect qu'on n'eût pas attendu de lui envers une inconnue découverte en tenue légère chez son maître.) Bonne nuit, madame…
    Philippe le regarda sortir d'un œil soupçonneux. Guérin savait pertinemment que les sapeurs n'avaient pas eu le temps d'atteindre la muraille. Son allusion prouvait qu'il acceptait sans discuter la thèse officielle mais qu'il n'était pas dupe. Quant au regard jeté à Isambour…
    — Il sait, déclara la jeune femme, dont les pensées avaient suivi un cours semblable. Comment peut-il savoir ?
    — Je suis persuadé qu'il ne sait rien du tout, répliqua Philippe. Je n'ai pas coutume de choisir mes conseillers parmi les benêts, et celui-là allie un esprit des plus vifs à une vaste expérience du monde, voilà tout. S'il n'a encore rien déduit de ce qu'il a vu ce soir, cela ne tardera guère, je le crains, mais j'ai en lui une confiance presque absolue.
    — Presque ? répéta Isambour.
    — Il est déraisonnable d'avoir une confiance absolue en qui que ce soit, expliqua-t-il. Et maintenant…
    — Oh, je m'en vais, rassurez-vous ! jeta-t-elle avec colère. Puisque vous ne voulez pas entendre raison, je n'ai plus rien à faire ici.
    Sans plus se soucier d'épargner ses effets, elle ôta d'un geste l'étoffe qui protégeait sa pudeur et se laissa couler dans le sol jusqu'à la taille. Philippe, comme à Soissons, ne put s'empêcher d'admirer sa beauté.
    — Mais je ne céderai pas, conclut-elle, le regard dur, avant de disparaître totalement.
    La prise du Château-Gaillard marqua un tournant dans l'affrontement des deux rois. Dès lors, la domination des Plantagenêts sur le continent se retrouva en sursis. Sans doute fut-ce de le comprendre qui donna le coup de grâce à la reine Aliénor : minée par les ans et les soucis, elle expira quelques jours plus tard à Fontevrault.
    Pour Philippe, s'emparer de cette forteresse, c'était remporter sur Richard la victoire dont la mort du Cœur de Lion l'avait privé. Il eût préféré ne

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