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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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qui reposait sur la paillasse n'avait plus rien de commun avec le fougueux adolescent adoubé par Philippe l'année précédente. De longs mois d'une captivité rigoureuse l'avaient rendu squelettique, hagard, livide. Ses vêtements en lambeaux et la couverture trouée dont il s'enveloppait ne l'empêchaient pas de frissonner. Son souffle oppressé quittait sa bouche en petits nuages blanchâtres. Venant de se redresser sur un coude, il clignait des yeux sous l'agression brutale de la torche.
    Jean le contempla sans mot dire, une main serrée sur la garde de son épée qu'il brûlait de tirer. Arthur, il le savait, n'était pas seul responsable de sa chute : le grand fautif, c'était Philippe. Mais il ne tenait pas Philippe, ne le tiendrait probablement jamais, alors qu'il tenait Arthur. Mieux valait une petite vengeance, en attendant la grande, que pas de vengeance du tout.
    — Qui êtes-vous ? interrogea soudain le pitoyable captif d'une voix éraillée. Que voulez-vous ? Je vous avertis que je suis Arthur. Le roi Arthur ! Si vous me menacez, j'appelle la garde !
    Un sourire méchant se dessina sur les lèvres de Jean. Non seulement son neveu ne le reconnaissait pas mais il avait perdu l'esprit : s'il avait dû un jour recouvrer la liberté, il n'eût plus constitué une menace.
    Le souverain anglais hésita : n'eût-il pas été plus satisfaisant de le laisser vivre ? De le rendre à ceux qui fondaient sur lui tant d'espoirs et ne pourraient plus décemment en faire leur chef ? Non. C'eût été plus cruel, plus retors, mais le Plantagenêt manquait trop de mesure pour être vraiment retors. La seule satisfaction qui lui importait était la satisfaction immédiate. Il tira à demi son épée.
    Puis la rengaina. Nul autre que Rhys n'était là pour le voir, mais Rhys, s'il n'était pas impliqué directement dans l'affaire, risquait de parler. Fort de cette bonne raison le dispensant du coup fatal – ne disait-on pas que tuer un fou portait malheur ? –, Jean adressa un signe de tête à son mercenaire, qui lui confia la torche avant de s'approcher de la paillasse.
    — Non ! cria Arthur, les yeux exorbités. Je vous avais prévenus. Gardes ! Gardes !
    Les mains puissantes qui se refermèrent sur sa gorge firent mourir son dernier cri dans un gargouillis étranglé.
    Au même instant, un hurlement d'horreur suraigu jaillit derrière les deux hommes, les faisant sursauter au point que le Gallois lâcha sa victime encore consciente. Le roi, électrisé, se retourna d'un bloc, l'épée au poing.
    Personne. L'espace d'un instant, il lui sembla distinguer un mouvement contre la muraille, mais lorsqu'il s'en approcha, l'arme haute, il ne découvrit que pierres ruisselantes, moussues. Par acquit de conscience, il rouvrit la porte et regarda à l'extérieur. Rien. Pas un bruit.
    — Vous serez exécutés, disait Arthur. Je vous ferai tous écarteler !
    Jean sans Terre se mordait les lèvres. Qui avait crié ? Le fantôme d'un précédent occupant de la cellule, sans doute. Une femme, à en juger par la voix. De qui pouvait-il bien s'agir ? De quelque favorite de son père, devenue encombrante après qu'il s'en fut lassé ? En tout cas, mieux valait ne pas s'attarder en ces lieux. Depuis qu'il avait eu la révélation de sa nature, le Plantagenêt aimait à croire qu'il ressentait avec plus d'acuité qu'autrui les phénomènes surnaturels. De là à penser qu'il leur était aussi plus vulnérable, il n'y avait qu'un pas, allègrement franchi ce soir-là.
    — Achève ta besogne ! ordonna-t-il au Gallois. Vite !
    Rhys, trop dépourvu d'imagination pour s'effrayer d'un danger invisible, avait déjà oublié l'incident. Sans se soucier des cris de terreur d'Arthur ni de ses contorsions, il lui saisit la tête sous un bras et, d'une brusque torsion, lui brisa la nuque. Déroulant ensuite le grand sac de toile qu'il portait à la ceinture, il y glissa le cadavre du jeune duc puis le jeta sur son épaule. À l'extérieur, il trouverait sans mal de quoi lester le paquet avant de l'envoyer pourrir au fond de la Seine.
    Tandis qu'il redescendait les escaliers, Jean jetait des coups d'œil anxieux derrière lui. Il n'avait pas rangé son épée. Son malaise ne le quitta que le lendemain, lorsqu'il se fut embarqué pour l'Angleterre sur une mer paisible.
    Celui d'Isambour se prolongerait bien plus longtemps que cela.
    « Jean a appelé secrètement auprès de lui ses serviteurs les plus
dévoués ; il les

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