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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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devenues aussi amies que nous pouvions l'être. Je ne mentais pas en disant partager votre chagrin, l'autre fois : je la pleure sincèrement et je regrette que les circonstances ne nous aient pas permis de nous connaître plus.
    — Je dois admettre qu'elle ne m'a jamais dit que du bien de vous… marmonna le roi sans enthousiasme.
    Isambour, s'enhardissant, s'avança vers lui. Il la regarda approcher sans frémir, étonné de ne pas ressentir le malaise qui le saisissait habituellement en sa présence. Le vêtement improvisé qui la couvrait dessinait nettement les courbes d'un corps n'ayant rien perdu de sa beauté, auquel la maturité conférait même un heureux épanouissement.
    Puis il croisa le regard de la jeune femme, il se rappela à quoi ressemblaient ses yeux pendant l'amour, et il détourna la tête. Mais ne recula pas.
    — Vous n'avez plus peur de moi, constata-t-elle. Et c'est grâce à elle. C'est parce que vous l'aimiez assez pour la croire quand elle vous disait que je n'étais pas mauvaise. Oh, sire ! (Elle se jeta à genoux.) Ne pourriez-vous la croire jusqu'au bout ?
    — Allez-vous-en, ordonna Philippe. Je n'ai plus peur, c'est un fait, mais je ne ferai pas de vous ma femme pour autant.
    — Nous pourrions accomplir tant de choses ensemble, pourtant, soupira Isambour, à peine déçue par une réponse prévisible. Je pourrais vous être tellement utile.
    — À quoi pourriez-vous bien m'être utile ? railla son époux. En ce moment, vous l'êtes moins que le plus humble de mes soldats qui risque sa vie pour prendre ce château !
    Elle demeura un long moment silencieuse, le visage fermé, puis elle se releva.
    — Ce château-ci ? demanda-t-elle. Celui qui est en haut du piton ?
    — Et quel autre ? lança Philippe sans saisir l'ironie.
    Elle eut un large sourire.
    — Je vous laisse le temps qu'il faut à une demi-chandelle pour brûler : vos capitaines, d'ici-là, devraient être prêts à donner l'assaut.
    — Qu'est-ce que… commença Philippe.
    — Allons, dépêchez-vous, allez les prévenir, continua la reine. Sinon, vous allez manquer l'effet de surprise. Je vous retrouverai ici plus tard.
    Sur ces mots, elle gagna à nouveau la porte de la chambre, qu'elle referma derrière elle. Quand son époux la franchit à son tour, l'instant d'après, Isambour avait disparu et le voile dont elle s'était couverte gisait sur le sol. Le Capétien le ramassa, pensif, et le jeta sur le lit, où elle ne pourrait manquer de le trouver quand elle reviendrait.
    Puis il quitta ses appartements et se hâta de rejoindre les chefs de son armée, parmi lesquels le frère Guérin et le maréchal Henri Clément. Renonçant à des explications qu'il eût été bien en peine d'inventer, il leur ordonna de rassembler leurs hommes et de se préparer au combat : Isambour était peut-être folle, mais il ne le croyait pas ; si lui avait le pouvoir de faire décroître les eaux d'un fleuve, que ne pouvait-elle accomplir ?
     
    Plongeant en plein cœur du piton calcaire, elle arriva bientôt à la verticale de la troisième muraille. Jamais elle n'avait tenté d'imposer sa volonté à son élément frère mais elle s'en savait capable. Il lui suffisait de communiquer avec la pierre, ce qu'elle accomplissait sans effort dès lors qu'elle y était fondue, et de lui expliquer ce qu'elle attendait d'elle. La pierre se moquait d'être remodelée. Elle restait la pierre.
    L'effort d'Isambour n'approcha pas ceux que devait fournir Philippe pour influencer l'eau. Lorsque ce fut terminé, la jeune femme était à peine plus essoufflée que si elle avait soulevé un lourd fauteuil ou couru sur une brève distance.
    Lentement, le calcaire sur lequel s'appuyait la muraille se fendit et les deux pans rocheux s'écartèrent l'un de l'autre, provoquant de surprenantes et inquiétantes vibrations en surface. La faille, profonde de dix toises, longue de cinq, devint bientôt trop large pour soutenir encore le rempart. Un instant, l'inertie conserva ses droits, puis tout un pan de mur s'effondra dans un vacarme infernal, soulevant un énorme nuage de poussière. Avant même qu'il fût dissipé, les Français se lançaient à l'assaut de la brèche pour tomber sur une garnison prise au dépourvu, vite réduite à l'impuissance.
    — Notre duc nous a abandonnés, commenta simplement Roger de Lascy en rendant son épée.
    — Jean n'est plus duc de Normandie, corrigea Philippe en la recevant. Il n'y plus de duc de

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