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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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la devoir qu'à lui-même mais discuter sa bonne fortune n'était pas dans son caractère.
    De toutes les cités normandes, Rouen résista la dernière. Ses défenseurs envoyèrent un appel à l'aide au roi Jean, lequel leur fit répondre qu'il n'avait pas le temps de s'occuper d'eux – après quoi ils se rendirent. Le duché de Normandie n'existait plus : pour la première fois depuis qu'un roi l'avait offert à un chef de pillards du Nord en gage de paix, il était rattaché directement à la couronne de France.
    Les seigneurs normands, pour la plupart, en avaient assez des exactions de Jean et des impôts dont il les accablait : ils ne se firent pas prier pour prêter l'hommage à Philippe. Les barons anglais dotés de terres en Normandie les imitèrent, Guillaume le Maréchal parmi eux, demeurant toutefois hommes liges du roi d'Angleterre pour leurs fiefs insulaires.
    Le Capétien n'entendait pas s'arrêter en si bon chemin : deux mois plus tard, aidé de ses alliés des provinces de l'Ouest, il avait soumis la Touraine, le Poitou et la Saintonge, à l'exception de La Rochelle. Nombre de villes et de places fortes s'étaient rendues sans combattre. Un an après, la chute de Chinon et de Loches lui donna l'Anjou, qu'il confia à un Guillaume des Roches enfin satisfait et fidèle. L'année suivante, ce fut la Bretagne qui tomba entre ses mains, après que la ville de Nantes lui eut offert ses clefs sans esquisser la moindre résistance.
    Les seuls problèmes dignes de ce nom vinrent du Poitou. Son sénéchal, Aimeri de Thouars, sensible aux promesses des envoyés de Jean, se révolta brutalement. Le Plantagenêt, sur ces entrefaites, débarqua à La Rochelle pour lancer ce qui évoquait une vaste opération de reconquête mais n'alla pas au-delà d'Angers, d'où il s'enfuit à l'arrivée de l'armée française pour se réfugier à Thouars.
    Cette ville-là refusa obstinément de se laisser prendre.
    — Il est bien triste que nos sapeurs ne soient pas aussi brillants ici qu'ils l'ont été aux Andelys, sire, déclara un jour le frère Guérin, durant le siège. Mais peut-être ne s'agit-il pas de la même équipe…
    En quelques années, l'Hospitalier s'était hissé aux plus hautes fonctions dans tous les domaines. Financier, diplomate, stratège, guerrier, l'homme débordait de talents et faisait désormais office de chancelier sans en posséder le titre. Depuis la disgrâce de Guillaume aux Blanches Mains, il était aussi en quelque sorte le représentant officiel de l'Église de France à la cour – et la cour n'avait qu'à se louer de ses rapports avec l'Église. Peu à peu, il était devenu le conseiller privilégié de Philippe, presque son confident. Presque…
    — Il serait peut-être bon d'en appeler aux autres, ajouta-t-il d'un ton badin.
    — Et comment voulez-vous que je sache de qui il s'agissait ? renvoya le roi, que l'embarras rendait agressif. Voyez avec les responsables des effectifs.
    L'Hospitalier avait raison, bien sûr : les « sapeurs des Andelys » leur auraient livré la place en moins de temps qu'il n'en eût fallu pour le dire. Plutôt que de faire appel à son épouse, toutefois, le roi préféra accepter une trêve de deux ans qui lui enlevait l'essentiel du Poitou mais par laquelle Jean s'engageait à ne plus revendiquer la moindre terre dans le Maine, en Anjou, en Touraine, en Normandie et en Bretagne.
    Six mois plus tard, trêve ou non, le maréchal Clément et Guillaume des Roches reprenaient le Poitou. Au Plantagenêt, ne restaient plus que La Rochelle et la Gascogne ; il s'en désintéressa pour retourner en Angleterre.
    Ce fut à cette époque que la reine Isambour reçut une visite inattendue dans sa prison d’Étampes.
    Elle avait passé les trois années précédentes dans une inaction quasi totale, sinon pour ses périodiques lettres au pape et des excursions de plus en plus rares en des lieux isolés. Son moral, jamais, n'avait été aussi bas, et seules sa fierté, ses dernières paroles à Philippe, lui permirent de ne pas céder.
    À présent, il avait vaincu sa haine déraisonnable contre le peuple et la peur que son épouse lui inspirait – un instant, elle avait même cru éveiller son désir. Il était en outre conscient, malgré ses dires, de tout ce qu'elle pouvait lui apporter, Pourtant, il ne voulait toujours pas d'elle, et elle désespérait de le convaincre. Un jour, elle le sentait, elle en aurait à ce point assez qu'elle signerait ce que

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