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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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signé un traité d'alliance avec Renaud de Dammartin et Jean sans Terre.
    Isambour avait le sens des responsabilités. Si son pouvoir était capable de faire pencher la balance en faveur de la France, elle estimait de son devoir, son devoir de reine, de l'utiliser. Philippe eût-il subi une défaite qu'elle se fût amèrement reproché son inaction – surtout compte tenu de leur entente nouvelle. Il n'avait pas fait mine de la rejeter, contrairement à ce que beaucoup de gens attendaient, quand le pape s'était détourné de lui. Elle était venue lui rendre visite le soir même de l'altercation avec le légat, inconsciente de ce qui s'était produit. Toujours furieux, il ne l'avait cependant pas prise pour exutoire à sa colère. Au contraire, il s'était épanché, non sans attribuer au pape plus de noms d'oiseaux qu'elle n'en avait entendus de toute sa vie. Au bout du compte, elle lui avait donné raison, estimant la conduite d'Innocent pour le moins légère dans l'affaire, si bien qu'il s'était calmé.
    Du fait qu'elle connaissait aussi bien que lui les rouages de la politique, il pouvait lui exposer ses préoccupations mieux qu'à aucune de ses compagnes précédentes. Elle comprenait, donnait même à l'occasion un avis non dénué de bon sens. Petit à petit, naissait ainsi une complicité mêlée de tendresse qu'ils jugeaient tous deux fort satisfaisante, tout en déplorant de ne pouvoir ajouter à l'union intellectuelle l'union charnelle. Ils n'avaient plus fait de tentative depuis ce qu'on pouvait considérer comme leur deuxième nuit de noces. Philippe craignait trop le désespoir d'un nouvel échec et devait garder la tête froide pour la guerre qui s'entamait. Lorsqu'elle venait le retrouver le soir, en quelque ville de Flandre ou sous quelque tente, Isambour ne passait jamais la nuit auprès de lui.
    Elle savait que de temps à autre, quand il n'y tenait plus, il couchait avec une putain. Elle ne lui en voulait pas. Elle-même avait trop le respect des lois de l'Église pour se donner à un autre ou se soulager seule, mais elle n'était pas insensible au démon de la chair. Vingt ans de mortification et le goût subtil du tourment, cependant, l'aidaient à résister. Ce n'était pas le plaisir qui lui manquait, c'était de serrer son mari contre elle.
    Il fallut de longues semaines à ce désir pour vaincre l'appréhension, mais à l'approche de septembre, la reine se décida enfin à la démarche qu'elle sentait indispensable. Elle ignorait s'il en sortirait quelque chose, elle savait qu'elle courait le risque d'y laisser la vie, mais elle ne pouvait reculer : il fallait qu'elle retrouve Lysamour.
    Le palais de la Cité, privé de son roi et de ses chevaliers, était peuplé de vieillards plus ou moins séniles, de clercs besogneux, de dames qui rêvaient de fin ' amor en brodant des tapisseries, et d'enfants des autres rappelant à la reine qu'elle n'en avait point. Elle déclara qu'on s'ennuyait et décida que la cour se transporterait pour un temps à Compiègne : il lui plaisait, disait-elle, de profiter des derniers beaux jours pour se promener en forêt.
    C'était d'ailleurs pure vérité. En outre, s'il lui arrivait malheur et qu'on découvrait son cadavre dans la région, elle préférait s'y trouver officiellement : les langues se délieraient d'autant moins.
    Elle consacra donc ses journées, comme elle l'avait dit, à flâner en compagnie des autres dames et des serviteurs chargés de leur protection. Les surprenant par de brusques besoins de galoper en solitaire – elle qui avait trop peu chevauché pour en avoir le goût –, elle sortait de ses fontes divers accessoires, des habits, une lanterne, de quoi l'allumer, qu'elle disposait çà et là, à l'orée du bois.
    Le soir venu, ses compagnes sagement retirées dans leurs chambres – voire moins sagement, pour celles que l'absence de l'époux incitait aux amours ancillaires ou à la débauche des jeunes pages –, elle ressortait à l'insu de tous et gagnait en un clin d'œil cette forêt de Cuise où tout avait commencé presque trente-cinq ans plus tôt.
    Sa lanterne à la main, elle parcourait le sous-bois, s'y enfonçant aussi profondément qu'elle l'osait en lançant son appel. Elle n'espérait pas tomber sur Lysamour par hasard, c'eût été trop de chance, mais les alentours devaient abriter des dizaines d'enfants des forêts, dont certains la connaissaient sans doute et pourraient la contacter.
    — Je suis

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