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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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enthousiasme et l'amertume au cœur – d'autant que les Flamands, l'estimant créature du roi de France, mettaient énormément de mauvaise volonté à le reconnaître comme suzerain.
    À Soissons, il crut tenir sa revanche : en échange de ses services, il exigea la restitution des deux villes d'Artois. Puisqu'on ne les lui avait pas prises pour les lui rendre, on lui proposa une alternative – qu'il refusa avant de quitter le conseil avec morgue. Ferrand avait vingt-cinq ans : la fougue et la rancune le poussaient à la révolte, d'autant que Renaud de Dammartin ne s'était pas privé de le contacter au nom de Jean sans Terre.
    Un mois plus tard, convoqué à Damme, le port où Philippe avait choisi de rassembler sa flotte, il se présenta mais réitéra ses exigences et, quand elles furent repoussées, refusa tout net de servir sous la bannière française. Il affirmait ne devoir aucun service militaire hors du royaume, en particulier s'il s'agissait d'attaquer un autre roi. Cette réponse insolente, une quasi-déclaration de guerre, lui valut d'être chassé de la cour.
    Ferrand, à dire vrai, pouvait justifier sa neutralité : entre-temps, le Plantagenêt s'était effondré ; la crainte de tout perdre avait eu raison de son entêtement. Non seulement il avait accepté Étienne Langton comme archevêque de Canterbury, mais encore avait-il fait l'hommage de son royaume au pape en apprenant l'imminence du débarquement français. Toute question de fierté mise à part, c'était une manœuvre brillante : l'Interdit levé, l'Angleterre fief de Rome, il n'était plus question d'invasion. Philippe s'entendit ordonner par un légat de renoncer à son projet sous peine d'excommunication pour lui et tous ceux qui l'accompagneraient.
    Il n'avait pas sombré dans une véritable colère depuis des années, au point que ses proches l'estimaient guéri par l'âge de ce travers. Ce jour-là, un tonitruant démenti leur fut opposé : le légat du pape se fit injurier et son maître à travers lui. La France n'avait pas mobilisé ses barons, ses soldats, ses bateaux et ses deniers pour rien ; avec ou sans l'accord d'Innocent, on allait conquérir l'Angleterre ! On verrait bien s'il osait excommunier toute la noblesse française.
    Une fois son courroux apaisé et le légat reparti, Philippe s'avisa que franchir la Manche sans l'appui des troupes et des ports flamands eût été pour le moins inconséquent. Il exigea donc la soumission entière de Bruges, d'Ypres et de Gand. Cette dernière lui résistant, il l'assiégea.
    Ferrand, pendant ce temps, s'était enfui en Angleterre demander la protection de Jean, lequel envoya séance tenante une flotte à Damme, sous le commandement du comte de Boulogne. Pris par surprise, les capitaines à qui le roi de France avait confié ses bateaux ne purent empêcher les Anglais de les incendier ou d'en trancher les amarres. Il y eut une rude bataille, durant laquelle Renaud passa à deux doigts d'être capturé, mais les assaillants finirent par s'enfuir comme ils étaient venus, laissant derrière eux les débris d'un rêve de conquête.
    Philippe brûla lui-même le reste de sa flotte. Ce ne fut pas un geste de colère : avec les navires qui lui restaient, l'invasion de l'Angleterre n'était plus envisageable ; les forces et les fonds engagés allaient être tournés vers la Flandre, dont le comte méritait une bonne leçon ; mieux valait détruire des bateaux devenus inutiles que les laisser tomber aux mains d'un ennemi qui, lui, en aurait l'usage.
    Isambour avait menti : elle continuait à espionner. Elle s'en était d'ailleurs accusée en confession – à Guérin, qui lui avait donné l'absolution.
    Lui, quand l'interdiction royale était tombée, s'était déclaré incapable de tromper son souverain, aussi ne demandait-il plus rien. En revanche, ainsi qu'il l'avait fait remarquer, il ne pouvait prétendre surveiller les déplacements de la reine ni l'empêcher de venir causer avec lui si elle en sentait le désir. Elle n'avait nul besoin d'instructions pour savoir de quels seigneurs il espérait connaître les faits et gestes.
    Dès que la campagne de Flandre s'ouvrit, elle partagea donc son temps entre la cour de France, sur laquelle elle apprenait peu à peu à régner, et celles des plus grands suzerains d'Europe du Nord, où elle n'était qu'une ombre furtive, attentive. Ce fut ainsi que, vers la fin juillet, elle apporta la nouvelle prévisible que Ferrand avait

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