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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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Isambour, fille des pierres, disait la reine à voix haute et claire. Je cherche Lysamour, fille des rivières. J'ai besoin qu'on me conduise à elle.
    La première nuit, elle s'usa la voix en vain : nul ne répondit à son appel. Épuisée, mal à l'aise, elle n'osa rester jusqu'au matin. Les animaux sauvages ne l'effrayaient guère, elle se savait capable de leur échapper aisément, mais errer seule la nuit dans une forêt dense où résonnaient des bruits inexpliqués, où se cachait peut-être une meurtrière en puissance, mettait tout de même ses nerfs à rude épreuve. Elle poussa un long soupir de soulagement lorsqu'elle se glissa entre ses draps pour un sommeil trop bref.
    La deuxième nuit, elle faillit bien désespérer. Cette fois, s'accrochant à son idée comme à un espar, elle repoussa encore et encore le moment de rentrer au château, circula entre les arbres et appela jusqu'aux premières lueurs de l'aube. Si elle ne parvenait pas à ses fins de cette manière, il lui faudrait en appeler au roi du peuple, ce qu'elle ne souhaitait pas. Rien ne prouvait qu'il fût disposé à l'aider encore – et passer par l'autorité suprême n'était pas le meilleur moyen de se gagner les bonnes grâces d'une Lysamour.
    Alors qu'elle regagnait l'endroit où elle abandonnait dans une sacoche le manteau qu'elle portait pour se garder du froid de la nuit, une petite voix s'éleva soudain derrière elle.
    — C'est toi, Isambour ?
    Elle sursauta et se retourna vivement. Personne.
    — C'est moi, répondit-elle néanmoins.
    — Lysamour t'attendra demain, à la minuit, près de la rivière, une demi-lieue en amont du petit pont de bois.
    La voix, féminine, paraissait surgir d'un gros frêne. Peut-être était-ce le cas. Peut-être aussi appartenait-elle à quelqu'un qui se cachait derrière le frêne. Isambour ne chercha pas à le vérifier.
    — Très bien, dit-elle. J'y serai.
    — Viens seule, sinon elle ne se montrera pas.
    — J'y serai, répéta-t-elle, avant de tourner les talons et de continuer son chemin.
    Un petit rire étouffé retentit derrière elle mais elle refusa d'y prêter attention. Ce n'était pas forcément une moquerie. Qui pouvait savoir ce qui était susceptible d'amuser une fille des forêts ?
    Ce dénouement inespéré soulageait Isambour d'un poids : elle ne se fût pas crue capable de supporter une autre nuit d'errances. Déjà, la veille, ses cernes avaient suscité des commentaires qui n'allaient pas s'apaiser ce jour-là, d'autant qu'elle ne pourrait se passer d'une sieste dans l'après-midi si elle voulait être en pleine possession de ses moyens le soir. Les âmes charitables croiraient deviner un heureux événement qu'elle n'attendait pas, hélas. Les méchantes langues lui prêteraient des amants. Si elle ne voulait pas devenir le sujet de conversation favori des alcôves, elle devait rapidement rendre à ses traits une normalité qu'on supposerait fruit d'une existence banale – et pour cela, il fallait dormir.
    — Encore une nuit, se dit-elle, et je pourrai me reposer. Ou bien je n'en aurai plus besoin.
    Durant la journée, elle entraîna ses compagnes d'excursion au bord de la rivière, affirmant avoir entendu parler d'un petit pont de bois auquel elle inventa mille attraits pittoresques. Il se révéla parfaitement anodin et qui plus était à moitié effondré, mais du moins savait-elle à présent où il se trouvait.
    La nuit venue, elle s'y rendit tout droit avec un peu d'avance et, demeurant sous terre, suivit la rive vers l'amont jusqu'à avoir parcouru environ une demi-lieue. La rivière, en cet endroit, adoptait un cours rectiligne, et une lune presque pleine illuminait ses berges : si quelqu'un s'y était tenu, Isambour n'eût pas manqué de l'apercevoir. Méfiante, elle négocia habilement son chemin entre les racines des grands arbres pour se poster en bordure du sous-bois et attendit, seule sa tête dépassant du sol, le parfum des joncs mouillés tout proches se mêlant à celui de l'humus dans ses narines. Cette fois, il n'était pas question pour elle de se couvrir : sa vie dépendait de sa capacité à s'échapper rapidement ; le moindre vêtement lui eût été une entrave. Elle ne pensait cependant pas que Lysamour se préoccuperait de pudeur.
    Effectivement, l'heure du rendez-vous était largement dépassée et la reine commençait à se demander si l'on ne s'était pas moqué d'elle – la malice de ceux des forêts était connue – quand

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