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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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jusqu'à la taille, jusqu'à mi-cuisses… et se retira enfin tout à fait. Sur une longueur de cinq ou six toises, là où le lit était surélevé, on pouvait désormais circuler à pied sec. Plus loin, la rivière reprenait ses droits progressivement. La pente qu'adoptait sa surface avant de retrouver, à bonne distance de là, son niveau normal n'était pas le moindre prodige.
    Le premier, Raoul de Clermont se jeta au fond de la tranchée nouvellement créée et courut vers Philippe, lequel s'était effondré face contre terre, les mains dans la boue.
    — Sire ! s'exclama-t-il en s'accroupissant auprès de lui. Le Seigneur vous a entendu. Vous êtes un nouveau Moïse !
    Une main tremblante mais impérieuse se posa sur son bras.
    — Qu'on fasse traverser les chevaux et les chariots, vite ! Je ne pourrai pas… (Le roi se reprit.) Nous ne devons pas lasser la patience divine. La Mer Rouge a fini par se refermer pour engloutir les Egyptiens.
    N'était-ce pas là le plus grand de tous les blasphèmes : attribuer à Dieu ce qui venait peut-être du Diable ? Il était trop épuisé pour y songer.
    Soutenu par le connétable et Aubri Clément qui venait de les rejoindre, Philippe regagna la rive gauche où, les bras croisés, l'œil sombre, l'attendait un Richard qui ne desserra pas même les dents pour le féliciter, alors que l'armée tout entière l'acclamait. Sur le moment, tandis qu'on disposait des plans inclinés pour permettre à cavaliers et véhicules de descendre dans le lit asséché, il s'étonna de cette réaction : son allié avait été plus anxieux que quiconque de franchir la Huisne. Plus tard, cependant, ses forces revenues, il devait s'en rappeler le regard, l'expression, et y lire à livre ouvert. Richard ne faisait pas de miracles, lui ; Richard choisissait de s'en vanter, d'affirmer que la force de son bras était le seul atout dont il eût besoin, mais cette façade ne trompait pas : Richard était jaloux.
    Philippe en prit bonne note. Ce serait là une raison de plus, pour le comte de Poitiers, de se retourner contre lui lorsqu'ils n'auraient plus besoin l'un de l'autre. Il faudrait veiller à ne pas lui laisser l'initiative.
    Des espions à la solde d'Henri observaient naturellement l'ennemi, si bien que la nouvelle du miracle arriva au Mans aussi vite que pouvait galoper un cheval. Passant de bouche en bouche, amplifiée, elle donna bientôt l'impression qu'une spectaculaire intervention céleste, avec coups de tonnerre et explosions lumineuses dignes de l'Ancien Testament, venait de se produire en la faveur du roi des Français.
    Le moral des troupes, déjà bien bas, en fut considérablement affecté. Alors qu'on ouvrait les portes de la ville afin de laisser les habitants des faubourgs chercher refuge derrière les murailles, nombre de soldats, de sergents et jusqu'à quelques chevaliers profitèrent de l'occasion pour abandonner ce qu'ils considéraient comme une cause perdue.
    L'armée conquérante, elle, déjà grisée de ses victoires précédentes, se sentait désormais invincible. Pas un de ses membres ne croyait possible d'être seulement blessé lors des combats qui s'annonçaient : Dieu était avec eux ; Dieu veillait sur eux.
    Les voyant dans cet état d'esprit, Philippe et ses conseillers décidèrent un assaut immédiat, sans attendre l'assemblage des engins de siège. Les remparts étaient si dégarnis qu'une action hardie avait de bonnes chances d'emporter la partie.
    Guillaume le Maréchal, le premier, comprit ce qui allait se produire en observant l'armée en marche.
    — Il faut fuir, sire ! déclara-t-il à Henri II, qui se tenait à son côté sur le chemin de ronde.
    — Fuir ? Il ferait beau voir que je m'enfuie devant mon propre fils ! Et de toute façon, il est trop tard pour cela. Non, Maréchal, il faut combattre et vendre chèrement nos vies, voilà tout. Qu'on incendie les faubourgs ! Cela les retardera toujours d'autant.
    Guillaume fit la moue mais ne discuta pas les ordres de son roi. Disposé à mourir, s'il le fallait, il réunit les plus valeureux des chevaliers restés fidèles à Henri et les répartit en plusieurs groupes qu'il envoya aux différentes portes de la ville, avec pour mission de bouter le feu aux constructions situées hors des murailles et de contenir l'ennemi jusqu'à ce que les flammes l'obligent à se retirer. Sur les remparts, armé d'un arc ou d'une arbalète, un chevalier n'était pas plus efficace que n'importe

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