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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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vérité, il a marqué tout le
monde, inspirant aux uns la crainte, aux autres la reconnaissance.)
    Gaucelm Faidit, à propos de Richard.

6
    La Huisne s'étendait devant les armées de Philippe et de Richard, large et haute, en raison d'une belle saison moins précoce que l'année précédente. À la surface des eaux boueuses, agitées par les dernières pluies, flottaient encore çà et là les restes de l'unique pont permettant de la franchir aux abords du Mans, abattu par les Angevins en déroute.
    C'était la veille de la saint Jean-Baptiste. Henri II jouait ses dernières cartes. Depuis la reprise des combats, les forces conjointes de ses deux ennemis lui avaient pris forteresse après forteresse, ville après ville, le contraignant à se replier toujours plus sur ses terres avec des troupes réduites : nombre de ses barons ne s'étaient pas préoccupés de répondre à son appel aux armes, se vengeant ainsi de toutes les années durant lesquelles il les avait pressurés sans merci – et, parmi ceux qui étaient venus tout de même, la désertion était dans l'air.
    Deux fois, déjà, le vieux roi avait failli être capturé avant de se réfugier au Mans. Là, derrière l'antique enceinte, il ruminait de sombres pensées, se sachant perdu mais refusant de l'admettre – refusant surtout, malgré les exhortations de ses conseillers, d'abandonner sa ville natale à l'ennemi. La chute du pont lui donnerait, il l'espérait, le temps de recevoir les renforts que d'aucuns lui avaient promis, d'échafauder une nouvelle stratégie.
    Sur la rive gauche de la Huisne, d'où l'on apercevait, supplice de Tantale, les hautes murailles de la cité dont débordaient les faubourgs, c'était de fait la frustration qui régnait, ce matin-là. Non parmi les soldats, lesquels goûtaient sans honte un repos bien gagné après des semaines de combats et de marches épuisantes, mais parmi leurs commandants.
    — Il est inutile de nous obstiner, déclarait pour la troisième fois le maréchal Aubri Clément. Il nous faut remonter la rivière jusqu'au prochain pont. En restant ici, nous ne faisons que perdre du temps.
    — Il m'en coûte de l'admettre, mais vous avez raison, approuva Richard, dépité, tandis que le connétable Raoul hochait sans mot dire sa tête chauve.
    Tous trois se tenaient à deux pas de la rive herbue, sombres, furieux de se voir interrompus dans leur élan. Philippe, lui, longeait la berge à quelque distance de là, scrutant les eaux sales comme s'il avait espéré y découvrir la solution du problème. Derrière eux, sur plusieurs centaines de toises, campaient les milliers d'hommes qui constituaient leur armée. Des tentes se dressaient, des feux s'allumaient. Malgré l'interdiction formelle, des cruches de vin circulaient de mains en mains, dans le dos des capitaines ou sous les yeux des plus tolérants, ceux qui ne dédaignaient pas non plus de s'échauffer les entrailles par la boisson. Si le camp n'était pas levé immédiatement, on allait se retrouver avec autant d'ivrognes hébétés que de soldats valides, les chefs de l'armée ne l'ignoraient pas – et nul n'en avait plus conscience que Philippe qui, pourtant, ne semblait guère pressé de quitter les lieux.
    — Sire ! l'appela Aubri. Que décidez-vous ? Le pont le plus proche se trouve à au moins cinq lieues en aval. Si nous voulons y arriver avant la nuit, même à marche forcée…
    — Sera-t-il intact ? répondit le roi, apaisant. Rien ne sert de nous épuiser à rejoindre un passage hypothétique alors qu'il s'en trouve peut-être un ici même, sous nos yeux.
    Il s'était emparé d'une longue vouge, dont il plongeait de loin en loin la hampe dans les eaux pour en déterminer la profondeur.
    — Que diable cherche-t-il ? grommela Richard en caressant sa barbe rousse.
    — Je l'ignore, répondit le comte de Clermont. J'ai déjà fait sonder la rivière sur une demi-lieue.
    — Qu'il vienne ou qu'il reste, peu me chaut ! Je vais donner l'ordre à mes troupes de se mettre en route. Par les jambes-Dieu ! Espère-t-il donc créer un gué par miracle ?
    Le connétable plissa les lèvres, incertain. Ces dernières paroles avaient instillé en lui un vague espoir qu'il n'osait formuler.
    — Attendez encore un peu, monseigneur, conseilla-t-il. Vous connaissez notre sire : nul ne désire la victoire plus que lui, et il ne s'obstinerait pas en dépit du bon sens…
    — Seigneur ! Mais que fait-il donc ? murmura soudain Aubri

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