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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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dans les troupes françaises, fut donné par l'effondrement d'une échelle sur un haut bâtiment embrasé. Une demi-douzaine de soldats s'y accrochaient encore, certains en ayant presque achevé l'ascension. Vigoureusement repoussée loin de la muraille, elle demeura un instant verticale, semblant se demander dans quel sens elle allait s'écraser, puis, aidée par les gesticulations de ses occupants, elle partit en arrière. Le toit qui brisa sa chute ne la retint pas bien longtemps : miné par le feu, il céda avec les parois qui le soutenaient, dans un craquement gigantesque auquel firent écho les hurlements des malheureux précipités au cœur du brasier. Des flammes plus hautes que les remparts s'échappèrent de la maison éventrée, tandis que de larges débris ardents s'envolaient dans toutes les directions, parfois jusque par-dessus les murailles, tuant net ceux qui avaient le malheur de se trouver sur leur passage.
    Aussitôt, comme s'il avait fallu cela pour leur faire admettre que leur tentative était vouée à l'échec, les assaillants furent pris de panique. Rompant le combat, bondissant de leurs échelles, ils s'enfuirent telles autant de bêtes sauvages devant les rabatteurs.
    Guillaume brandit son épée et poussa un cri de triomphe qui s'étrangla soudain dans sa gorge. À quelque distance de la Vieille Porte, au premier étage d'un bâtiment presque collé à la muraille, prêt à s'effondrer, quelqu'un agitait les bras. Une femme, apparemment. Par quelle inconscience se trouvait-elle encore là ? Le Maréchal éperonna son cheval sans prendre le temps de se le demander. Ses yeux ne l'avaient pas trompé : c'était bien une femme, une femme âgée, que la fatigue ou la paralysie avaient empêchée de se réfugier dans la ville et que sa famille avait abandonnée, volontairement ou non. Ses appels désespérés, qui résonnaient au milieu des hurlements et des crépitements, eussent touché un cœur plus endurci que celui de Guillaume.
    Alors que ce dernier réfléchissait au meilleur moyen de lui venir en aide, la question devint soudain de peu d'importance : tout un pan de mur s'effondra en un éboulement sonore, tandis que s'élevait un épais nuage de fumée et de poussière. Aveuglé, le chevalier entendit les cris de l'aïeule s'enfler dans l'aigu puis s'éteindre. La fumée âcre qui s'était engagée sous son heaume l'agressa brutalement à la gorge, le suffoquant au point qu'il se crut perdu. Sa monture effrayée, qu'il n'avait plus la présence d'esprit de guider, l'entraînait il ne savait où, droit vers le camp français ou vers un autre brasier. Un réflexe de survie lui fit lâcher épée et bouclier pour porter les mains à sa tête. Dans son affolement, il dut s'y reprendre à deux fois avant d'arracher le heaume qu'il jeta rageusement au loin. Toussant, crachant, mais aspirant désormais de l'air et non de la fumée, il parvint peu à peu à se maîtriser et à calmer son destrier. Un juron de colère et de douleur lui échappa quand il essuya ses yeux noyés de larmes en un geste irréfléchi et s'écorcha le visage de son gantelet métallique.
    Lorsqu'enfin la vue lui revint, il se trouva à la fois soulagé et consterné. Soulagé parce que le cheval ne l'avait pas porté trop loin et que la déroute des assaillants se confirmait. Consterné parce que le bâtiment où se trouvait la pauvre vieille s'était en partie effondré de l'autre côté des murailles, générant dans la ville un incendie qui se propageait comme se propagent les incendies, si vite qu'on croirait les flammes animées d'une volonté propre, maléfique. Déjà, il était illusoire d'espérer en venir à bout.
    Le Maréchal, les traits figés en un masque dur, galopa vers la porte qu'on venait de rouvrir pour permettre aux chevaliers de rentrer. Cette fois, Henri ne pourrait plus tergiverser : il fallait fuir, sous peine de brûler vif.
     
    Le soir tombait lentement sur le campement, élevé assez loin de la ville pour que les Français ne soient pas incommodés par l'incendie, assez près pour qu'ils aient le plaisir de la voir brûler.
    Quand retentit l'alarme, Philippe et Richard se restauraient sous leur tente en la compagnie du connétable de Clermont et de quelques chevaliers. Sachant n'avoir rien à craindre des assiégés, ils avaient troqué leur harnois guerrier contre des habits plus confortables et poussé le luxe jusqu'à prendre un bain. Quoique détendu, le comte de Poitiers demeurait

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