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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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quel soldat. À cheval, l'épée ou la lance à la main, il causait en revanche des ravages parmi les piétons.
    Le groupe de Guillaume comprenait une vingtaine d'hommes, parmi lesquels Renaud de Dammartin. Il sortit par la Vieille Porte, au sud de la ville, alors que les assaillants n'en étaient plus qu'à quelques dizaines de toises. S'ils frémirent en voyant se précipiter sur eux cette foule menaçante, hurlante, les preux du roi d'Angleterre n'en laissèrent rien paraître. Tandis que la moitié d'entre eux, munis de torches, s'employaient à parcourir les faubourgs afin d'en incendier les fragiles édifices tout juste évacués, les autres demeurèrent postés devant la porte.
    Les chevaliers ennemis eussent-ils surpris cette manœuvre désespérée qu'ils se fussent précipités à leur rencontre, ravis d'en découdre avec de nobles adversaires, mais tout était allé si vite qu'ils restèrent en arrière, laissant à la plèbe le soin de partir à l'assaut des murailles.
    Et la plèbe se ruait, enthousiaste, furieuse, aveugle à sa propre vulnérabilité. Pour quelques compagnies de sergents à pied, convenablement équipés, combien de pauvres gens recrutés dans villes et campagnes ! Ceux-là, incapables de supporter les frais colossaux d'un haubert ou d'armes de qualité, n'étaient souvent couverts que d'habits ordinaires, munis d'une faux ou d'un quelconque outil de cultivateur. Les plus chanceux disposaient d'une casaque en cuir et d'un simple chapeau de fer qui ne les protégeaient guère des coups assénés par des adversaires bardés de métal, rompus aux techniques de la guerre.
    Pourtant, ils accomplissaient leur devoir : courir sus et mourir. En ce jour où Dieu avait désigné leur roi de son doigt, ils couraient plus vite que jamais – et mouraient comme toujours.
    Taillant à gauche, taillant à droite, Guillaume le Maréchal et ses chevaliers fendaient des crânes, tranchaient des membres, semaient la mort parmi ces pitoyables combattants, sans eux-mêmes recevoir de coup dangereux. Ils ne pouvaient cependant être partout à la fois. Certains des assaillants transportaient des échelles : faisant de leur mieux pour éviter la redoutable cavalerie, ils allaient les dresser contre les murailles, en dépit de la grêle de projectiles qui s'abattait sur eux depuis le haut des remparts. Les premières furent repoussées à la gaffe par les défenseurs, jetant dans le vide les grappes humaines qui s'y accrochaient, mais elles se virent vite redressées, rejointes par d'autres. Tôt ou tard, elles resteraient en place assez longtemps pour permettre à ceux qui les empruntaient de pénétrer dans la ville. La fin, alors, serait proche.
    Un facteur jouait toutefois comme prévu en la faveur des assaillis : le feu.
    Les maisons des faubourgs, ainsi que celles d'une bonne partie de la ville, mêlaient maçonnerie et charpenterie, techniques de construction romaine et franque. La première concernait surtout les fondations, parfois le rez-de-chaussée, le reste du bâtiment étant en bois. Un bois qui flambait sans se faire prier.
    Les torches que Renaud et les autres avaient joyeusement jetées, peu à peu gagnés par une frénésie de destruction, remplissaient leur office. De hautes flammes qu'attisait le vent s'élevaient tout autour du mur d'enceinte, jaillissant des fenêtres, commençant de dévorer les toits, accompagnées d'une fumée noire bouillonnante qui empêchait d'y voir à vingt pas. Si elle gênait le tir des archers du chemin de ronde, elle agressait surtout le nez et les yeux des attaquants, contraints de poser leurs échelles au jugé, d'y monter en pleurant et en toussant, sans deviner avant de se retrouver en chute libre que leur perchoir allait être renversé. La chaleur qui se dégageait des bâtiments, sans cesse croissante, leur roussissait en outre le poil, leur brûlait la peau, devenait intenable.
    — Hardi, camarades ! s'exclama Guillaume en constatant de nettes hésitations chez l'ennemi, un début de reflux.
    Lui-même et ses compagnons, engoncés dans leurs armures, n'étaient pas plus à l'aise que leurs adversaires, mais la perspective de repousser l'assaut leur donnait la force de se battre avec ardeur. Aucun d'entre eux n'avait seulement été blessé, alors que des cadavres mutilés jonchaient le sol autour de leurs chevaux. Plus tard, il se trouverait des poètes pour vanter leurs prouesses au cours de ce noble fait d'armes.
    Le signal de la débandade,

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