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Le Roi de fer

Le Roi de fer

Titel: Le Roi de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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appartenant
l’un à la maison de leur oncle, l’autre à la maison de leur frère, et ceci sous
la garde de leur belle-sœur Jeanne, épouse constante mais entremetteuse
bénévole, qui prenait un trouble plaisir à vivre les amours d’autrui.
    — En tout cas, ce soir, point
de tour de Nesle, dit Blanche.
    — Pour moi, cela ne fera guère
de différence avec les jours précédents, répondit Philippe d’Aunay. Mais
j’enrage à penser que cette nuit, entre les bras de Louis de Navarre,
Marguerite aura sans doute les même mots…
    — Ah ! Mon ami, c’est
aller trop loin, dit Jeanne avec beaucoup de hauteur. Tout à l’heure vous
accusiez Marguerite, sans raison, d’avoir d’autres amants. Maintenant vous
voudriez empêcher qu’elle ait un époux. Les faveurs qu’elle vous consent vous
font trop oublier qui vous êtes. Je pense que demain je vais conseiller à notre
oncle de vous envoyer quelques mois dans son comté de Valois, où sont vos
terres, pour vous mettre l’esprit en repos.
    Du coup, le beau Philippe d’Aunay se
trouva calmé.
    — Oh ! Madame,
murmura-t-il. Je crois que j’en mourrais.
    Il était bien plus séduisant ainsi
que dans la colère. On l’eût effrayé à plaisir, rien que pour voir s’abaisser
ses longs cils soyeux et trembler légèrement son menton blanc. Il était soudain
si malheureux, si pitoyable, que les deux jeunes femmes, oubliant leurs
alertes, ne purent s’empêcher de sourire.
    — Vous direz à votre frère
Gautier que ce soir je soupirerai bien après lui, dit Blanche de la plus douce
façon du monde. On ne pouvait savoir si elle parlait sincèrement.
    — Ne faudrait-il pas… dit
d’Aunay un peu hésitant, prévenir Marguerite de ce que nous venons d’apprendre dans
le cas où pour ce soir elle aurait prévu…
    — Que Blanche en décide ;
moi, je ne me charge plus de rien, dit Jeanne. J’ai eu trop peur. Je ne veux
plus être mêlée à vos affaires. Un jour cela finira mal, et vraiment c’est me
compromettre à plaisir, pour rien.
    — Il est vrai, dit Blanche, que
tu ne profites guère des aubaines. De nos trois maris, c’est le tien qui
s’absente le plus souvent. Si Marguerite et moi avions cette chance…
    — Mais je n’en ai pas le goût,
répliqua Jeanne.
    — Ou pas le courage, dit Blanche.
    — Il est vrai que même si je le
voulais, je n’ai pas ton habileté à dissimuler, ma sœur, et je suis sûre que je
me trahirais tout de suite.
    Ayant dit cela, Jeanne resta
songeuse un instant. Non, certes, elle n’avait pas envie de tromper Philippe de
Poitiers ; mais elle était lasse de passer pour prude…
    — Madame, lui dit Philippe, ne
pourriez-vous me charger… d’un message pour votre cousine ?
    Jeanne considéra le jeune homme, de
biais, avec une indulgence attendrie.
    — Vous ne pouvez donc plus
vivre sans la belle Marguerite ? répondit-elle. Allons, je vais être
bonne. Je vais acheter pour Marguerite quelque pièce de parure que vous irez
lui porter de ma part. Mais c’est la dernière fois.
    Ils s’approchèrent d’un éventaire.
Tandis que les deux jeunes femmes se consultaient, Blanche allant tout droit
aux objets les plus chers, Philippe d’Aunay repensait à la brusque apparition
du roi.
    « Chaque fois qu’il me voit, il
me demande mon nom. Cela fait bien la sixième fois. Et toujours il fait
allusion à mon frère. »
    Il eut une sourde appréhension et se
demanda pourquoi il éprouvait toujours un si vif malaise devant le souverain. À
cause de son regard sans doute, à cause de ces yeux trop grands, immobiles, et
de leur étrange couleur incertaine, entre le gris et le bleu pâle, pareille à
celle de la glace des étangs les matins d’hiver, des yeux qu’on ne cessait de
revoir pendant des heures après les avoir rencontrés.
    Aucun des trois jeunes gens n’avait
remarqué un seigneur d’immense stature, portant des bottes rouges, et qui,
arrêté à mi-marches, sur le grand escalier, les observait depuis un moment.
    — Messire Philippe, je n’ai
point assez d’argent sur moi ; voulez-vous payer ?
    C’était Jeanne qui venait de parler,
tirant Philippe d’Aunay de ses réflexions. L’écuyer s’exécuta avec
empressement. Jeanne avait choisi pour Marguerite une ceinture de velours sur
laquelle étaient cousus des motifs d’argent filigrane.
    — Oh ! Je voudrais la
même, dit Blanche.
    Mais elle non plus n’avait pas
d’argent, et Philippe régla également son achat.
    Il en

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