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Le Roi de fer

Le Roi de fer

Titel: Le Roi de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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était
fuyant, et ses cheveux sans lustre.
    — Sire, dit Charles de Valois
solennellement, après que le grand chambellan lui eut relevé son siège, Sire
mon frère, Dieu m’est témoin que je n’ai jamais songé qu’à vos intérêts et à
votre gloire.
    Philippe le Bel tourna les yeux vers
lui, et Charles de Valois se sentit moins assuré dans sa parole. Néanmoins il
poursuivit :
    — C’est à vous seulement, mon
frère, que je pense encore lorsque je vois détruire à plaisir ce qui a fait la
force du royaume. Sans le Temple, refuge de la chevalerie, comment pourrez-vous
entreprendre une nouvelle croisade, s’il vous fallait la faire ?
    Ce fut Marigny qui se chargea de répondre.
    — Sous le sage règne de notre
roi, dit-il, nous n’avons pas eu croisade, justement parce que la chevalerie
était calme, Monseigneur, et qu’il n’était point nécessaire de la conduire
outre la mer dépenser ses ardeurs.
    — Et la foi, messire ?
    — L’or repris aux Templiers a
grossi davantage le Trésor, Monseigneur, que tout ce grand commerce qui se
trafiquait sous les oriflammes de la foi ; et les marchandises circulent
aussi bien sans croisades.
    — Messire, vous parlez comme un
mécréant !
    — Je parle comme un serviteur
du royaume, Monseigneur !
    Le roi frappa légèrement la table.
    — Mon frère, c’est des
Templiers qu’il s’agit ce jour… Je vous demande votre conseil.
    — Mon conseil… mon
conseil ? répéta Valois, pris de court.
    Il était toujours prêt à réformer l’univers,
mais jamais à fournir un avis précis.
    — Eh bien ! Mon frère, que
ceux qui ont si bien conduit l’affaire (il désigna Nogaret et Marigny) vous
inspirent comment la terminer. Pour moi…
    Et il fit le geste de Pilate.
    — Louis… votre conseil, demanda
le roi.
    Louis de Navarre tressaillit, et mit
un moment à répondre.
    — Si l’on confiait ces
Templiers au pape ? dit-il enfin.
    — Louis… taisez-vous, dit le
roi.
    Et il échangea avec Marigny un
regard de commisération.
    Renvoyer le grand-maître devant le
pape, c’était tout recommencer depuis le début, tout remettre en cause, le fond
et la forme, effacer les dessaisissements si durement arrachés à plusieurs
conciles, annuler sept années d’efforts, rouvrir la voie à toutes les
contestations.
    « Faut-il que ce soit ce sot,
ce pauvre esprit incompétent, qui doive me succéder sur le trône, pensait
Philippe le Bel. Enfin, espérons que d’ici là il aura mûri. »
    Une averse de mars vint crépiter sur
les vitres enchâssées de plomb.
    — Bouville ? dit le roi.
    Le grand chambellan n’était que
dévouement, obéissance, fidélité, souci de plaire, mais n’avait pas la pensée
tournée à l’initiative. Il se demandait quelle réponse le souverain souhaitait.
    — Je réfléchis, Sire, je
réfléchis… répondit-il.
    — Nogaret… votre conseil ?
    — Que ceux qui sont retombés
dans l’hérésie subissent le châtiment des hérétiques, et sans délai, répondit
le garde des Sceaux.
    — Le peuple ?… demanda
Philippe le Bel en déplaçant son regard vers Marigny.
    — Son agitation, Sire, tombera
aussitôt que ceux qui en sont la cause auront cessé d’exister, dit le
coadjuteur.
    Charles de Valois tenta un dernier
effort.
    — Mon frère, dit-il, considérez
que le grand-maître avait rang de prince souverain, et que toucher à sa tête,
c’est attenter au respect qui protège les têtes royales…
    Le regard du roi lui coupa la
parole.
    Il y eut un temps de silence pesant,
puis Philippe le Bel prononça :
    — Jacques de Molay et Geoffroy
de Charnay seront brûlés ce soir dans l’île aux Juifs, face au jardin du
Palais. La rébellion a été publique ; le châtiment sera public. Messire de
Nogaret rédigera l’arrêt. J’ai dit.
    Il se leva et tous les assistants
l’imitèrent.
    — J’entends que tous ici vous
assistiez au supplice, mes seigneurs, et que notre fils Charles y soit présent
aussi. Qu’on l’en avertisse, ajouta-t-il.
    Puis il appela :
    — Lombard !
    Et il sortit, le chien marchant dans
ses pas.
    À ce conseil auquel avaient
participé deux rois, un ex-empereur, un vice-roi et plusieurs dignitaires, deux
grands seigneurs à la fois de guerre et d’Église venaient d’être condamnés à
mourir par le feu. Mais pas un instant, on n’avait eu le sentiment qu’il fût
question de vies et de chairs humaines ; il ne s’était agi que de
principes.
    — Mon

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