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Le Roi de fer

Le Roi de fer

Titel: Le Roi de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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la croisée d’ogive d’un plafond à
voûte.
    Ici, comme dans la chambre de
Marguerite, flottait une odeur d’essence de jasmin ; tout en était
imprégné, les étoffes brochées d’or tendues sur la muraille, les tapis, les
fourrures fauves répandues en abondance sur des lits bas, à la mode orientale.
    Les princesses n’étaient pas là. La
chambrière sortit en disant qu’elle allait les avertir.
    Les deux jeunes gens, ayant ôté
leurs manteaux, s’approchèrent de la cheminée et tendirent machinalement les
mains à la flamme.
    Gautier d’Aunay était d’une
vingtaine de mois l’aîné de son frère Philippe, auquel il ressemblait fort,
mais en plus court, plus solide et plus blond. Il avait le cou large, les joues
rosées, et prenait la vie avec amusement. Il ne semblait pas, comme Philippe,
tour à tour ravagé ou exalté par la passion. Il était marié, et bien marié, à
une Montmorency, dont il avait déjà trois enfants.
    — Je me demande toujours,
dit-il, en se chauffant, pourquoi Blanche m’a pris pour amant, et pourquoi même
elle a un amant. De la part de Marguerite, cela s’explique sans peine. Il
suffit de voir le Hutin, avec son regard bas, et sa poitrine creuse, et de te
contempler à côté, pour comprendre aussitôt. Et puis il y a tout le reste que
nous savons…
    Il faisait allusion, par là, à des
secrets d’alcôve, au peu de vigueur amoureuse du jeune roi de Navarre et à la
discorde sourde qui existait entre les époux.
    — Mais Blanche, je ne comprends
point, reprit Gautier d’Aunay. Son mari est beau, bien plus que je ne le suis…
Mais non, mon frère, ne proteste pas ; Charles est plus beau ; il a
toute l’apparence du roi Philippe. Blanche est aimée de lui, et je pense bien,
quoi qu’elle m’en dise, qu’elle l’aime aussi. Alors pourquoi ? Je savoure
ma chance, mais n’en vois point la raison. Serait-ce simplement parce que
Blanche veut agir en tout comme sa cousine ?
    Il y eut de légers bruits de pas et
de chuchotements dans la galerie qui reliait la Tour à l’Hôtel, et les deux
princesses apparurent.
    Philippe s’élança vers Marguerite,
mais s’arrêta net dans son mouvement. À la ceinture de sa maîtresse, il avait
aperçu l’aumônière qui l’avait tant irrité, le matin.
    — Qu’as-tu, mon beau
Philippe ? demanda Marguerite, les bras tendus et la bouche offerte.
N’es-tu pas heureux ?
    — Je le suis, Madame,
répondit-il froidement.
    — Que se passe-t-il
encore ? Quelle nouvelle mouche…
    — Est-ce… pour me
narguer ? dit Philippe en désignant l’aumônière.
    Elle eut un beau rire chaud.
    — Que tu es sot, que tu es
jaloux, que tu me plais ! Tu n’as donc pas compris que j’agissais par
jeu ? Mais je te la donne, cette bourse, si cela doit t’apaiser.
    Elle détacha prestement l’aumônière
de sa ceinture. Philippe eut un geste pour protester.
    — Voyez-moi ce fol,
continua-t-elle, qui prend feu au moindre propos.
    Et grossissant la voix, elle s’amusa
à contrefaire la colère de Philippe.
    — Un homme ! Quel est cet
homme ? Je veux savoir !… C’est Robert d’Artois… c’est le sire de
Fiennes…
    À nouveau son beau rire roula dans
sa gorge.
    — C’est une parente qui me l’a
envoyée, messire l’ombrageux, puisque vous voulez tout savoir, reprit-elle. Et
Blanche a reçu la même, et Jeanne aussi. Si c’était un présent d’amour,
songerais-je à te l’offrir ? C’en est un, à présent, pour toi.
    À la fois penaud et comblé, Philippe
d’Aunay admirait l’aumônière que Marguerite lui avait mise presque de force
dans la main.
    Se tournant vers sa cousine,
Marguerite ajouta :
    — Blanche, montre ton aumônière
à Philippe. Je lui ai donné la mienne.
    Et à l’oreille de Philippe, elle
murmura :
    — Je gage fort qu’avant qu’il
soit longtemps, ton frère aura reçu même présent.
    Blanche était allongée sur l’un des
lits bas ; et Gautier un genou en terre, auprès d’elle, lui couvrait de
baisers la gorge et les mains. Se soulevant à demi, elle demanda, la voix
rendue un peu lointaine par l’attente du plaisir :
    — N’est-ce pas bien imprudent,
Marguerite, ce que tu fais là ?
    — Mais non, répondit
Marguerite. Personne ne sait, et nous ne les avons pas encore portées. Il
suffira d’avertir Jeanne. Et puis le don d’une bourse n’est-il pas la meilleure
manière de remercier de bons gentilshommes du service qu’ils nous font ?
    — Alors,

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