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Le Roi de fer

Le Roi de fer

Titel: Le Roi de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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taille. « Encore heureux
qu’elle ne m’ait point fait porter une cuve où j’aurais dû tout entier me
dépouiller sous ses yeux. Ces gens de campagne ont de curieuses façons. »
    Quand il eut fini, dame Eliabel vint
à lui avec les serviettes chaudes, et se mit à l’essuyer. Guccio pensait qu’en
partant vite, et en poussant un temps de galop, il aurait des chances de
rattraper Marie sur la route de Neauphle ou de la retrouver dans le bourg.
    — Quelle jolie peau vous avez,
messire, dit soudain dame Eliabel d’une voix qui tremblait un peu. Les femmes
pourraient être jalouses d’une aussi douce peau… et j’imagine qu’il en est
beaucoup qui doivent en être friandes. Cette belle couleur brune doit leur
sembler plaisante.
    En même temps, elle lui caressait le
dos, du bout des doigts, tout le long des vertèbres. Cela chatouilla Guccio qui
se retourna en riant.
    Dame Eliabel avait le regard
troublé, la poitrine agitée, et un singulier sourire lui modifiait le visage.
Guccio enfila prestement sa chemise.
    — Ah ! Que c’est belle
chose, la jeunesse ! reprit dame Eliabel. À vous voir, je gage que vous la
goûtez bien, et que vous faites profit de toutes les permissions qu’elle donne.
    Elle se tut un instant ; puis,
du même ton, elle reprit :
    — Alors, mon gentil messire,
qu’allez-vous faire pour notre créance ?
    « Nous y voici », pensa
Guccio.
    — Vous pouvez bien nous
demander ce qu’il vous plaît, continua-t-elle ; vous êtes notre
bienfaiteur et nous vous bénissons. Si vous voulez l’or que vous avez fait
rendre à ce coquin de prévôt, il est à vous, emportez-le ; cent livres, si
vous voulez. Mais vous voyez notre état, et vous nous avez montré que vous
aviez du cœur.
    En même temps, elle le regardait
lacer ses chausses. Ce n’était pas, pour Guccio, les bonnes conditions d’une
discussion d’affaires.
    — Celui qui nous sauve va-t-il
être celui qui nous perd ? poursuivit-elle. Vous autres, gens de ville, ne
savez point comme notre position est malaisée. Si nous n’avons point encore
payé votre banque, c’est que nous ne le pouvions pas. Les gens du roi nous grugent ;
vous l’avez constaté. Les serfs ne travaillent point comme par le passé. Depuis
les ordonnances du roi Philippe, qui les encouragent à se racheter, l’idée de
franchise leur travaille en tête ; on n’en obtient plus rien, et ces
manants seraient tout près de se considérer de même race que vous et moi.
    Elle marqua un léger arrêt, afin de
permettre au jeune Lombard d’apprécier tout ce que ce « vous et moi »
contenait de flatteur pour lui.
    — Ajoutez à cela que nous avons
eu deux mauvaises années pour les champs. Mais il suffit, ce qu’à Dieu plaise,
que la prochaine récolte soit bonne…
    Guccio, qui ne songeait qu’à partir
à la recherche de Marie, essaya d’éluder.
    — Ce n’est point moi ;
c’est mon oncle qui décide, dit-il.
    Mais déjà il se savait vaincu.
    — Vous pourrez remontrer à
votre oncle qu’il fait avec nous sage et sûr placement ; je lui souhaite
de n’avoir jamais pires débiteurs. Donnez-nous encore une année ; nous
vous payerons bien les intérêts. Faites cela pour moi ; je vous en aurai
grandement gré, dit dame Eliabel en lui saisissant les mains.
    Puis avec une légère confusion, elle
ajouta :
    — Savez-vous, gentil messire,
que dès votre venue, hier… peut-être dame ne devrait point dire cela… je me
suis senti de l’amitié pour vous, et qu’il n’est chose qui dépende de moi que
je ne voudrais faire pour votre contentement ?…
    Guccio n’eut pas la présence
d’esprit de répondre :
    « Eh bien ! Remboursez
donc votre dette et je serai content. »
    De toute évidence, la veuve
paraissait plutôt prête à payer de sa personne, et l’on pouvait juste se
demander si elle se disposait au sacrifice pour faire reculer la créance, ou si
elle se servait de la créance pour avoir l’occasion de se sacrifier.
    En bon Italien, Guccio pensa que la
chose serait plaisante de séduire à la fois et la fille et la mère. Dame
Eliabel avait encore des charmes ; ses mains dodues ne manquaient pas de
douceur, et sa gorge, tout abondante qu’elle fût, semblait avoir conservé de la
fermeté. Mais ce ne pouvait être qu’un amusement de surcroît, et qui ne valait
pas de manquer l’autre proie.
    Guccio se dégagea des empressements
de dame Eliabel, en l’assurant qu’il allait s’efforcer

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