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Le Roi de fer

Le Roi de fer

Titel: Le Roi de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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regard qu’il adressa à
la jeune reine, sut assurer celle-ci qu’il n’y avait ni obstacle ni imprévu
dans le déroulement de leur machination.
    Pendant que s’échangeaient
compliments, questions et nouvelles, les deux escortes attendaient et
s’observaient. Les chevaliers français jugeaient les costumes des Anglais.
Ceux-ci, immobiles et dignes, le soleil dans l’œil, portaient avec fierté,
brodées sur leur cotte, les armes d’Angleterre ; encore qu’ils fussent,
pour la plupart, français d’origine et de nom, on les sentait soucieux de faire
belle figure en terre étrangère [16] .
    De la grande litière bleu et or qui
suivait la reine, s’éleva un cri d’enfant.
    — Ma sœur, dit Philippe, vous
avez donc amené derechef notre petit neveu en ce voyage ? N’est-ce pas
bien éprouvant pour un enfant d’un si jeune âge ?
    — Je n’aurais garde de le
laisser à Londres sans moi, répondit Isabelle.
    Philippe de Poitiers et Charles de
Valois lui demandèrent quel était le but de sa venue ; elle leur déclara
simplement qu’elle voulait voir son père, et ils comprirent qu’ils n’en
sauraient pas plus, au moins pour l’instant.
    Un peu lassée par la longueur de
l’étape, elle descendit de sa jument blanche, et prit place dans la grande
litière portée par deux mules caparaçonnées de velours. Les escortes se
remirent en marche vers Clermont.
    Profitant de ce que Poitiers et
Valois reprenaient la tête du cortège, d’Artois poussa son cheval auprès de la
litière.
    — Vous êtes plus belle à chaque
fois qu’on vous voit, ma cousine, lui dit-il.
    — Ne mentez point. Je ne puis
certes être belle après une semaine de chemin et de poussière, répondit la
reine.
    — Quand on vous a aimée de
souvenir pendant de longues semaines, on ne voit point la poussière, on ne voit
que vos yeux.
    Isabelle se renfonça un peu dans les
coussins. De nouveau, elle se sentait reprise de cette singulière faiblesse qui
l’avait saisie à Westminster en face de Robert. « Est-il donc vrai qu’il
m’aime, pensait-elle, ou bien seulement me fait-il compliments comme il en doit
faire à toute femme ? » Entre les rideaux de la litière, elle voyait
au flanc du cheval pommelé l’immense botte rouge et l’éperon doré ; elle
voyait cette cuisse de géant dont les muscles roulaient contre l’arçon de la
selle ; et elle se demandait si, chaque fois qu’elle se trouverait en
présence de cet homme, elle éprouverait ce même trouble, ce même désir
d’abandon… Elle fit effort pour se dominer. Elle n’était point là pour
elle-même.
    — Mon cousin, dit-elle,
profitons de ce que nous pouvons parler, et mettez-moi au fait de ce que vous
avez à m’apprendre.
    Rapidement, et feignant de lui
commenter le paysage, il lui raconta ce qu’il savait et ce qu’il avait fait, la
surveillance dont il avait entouré les princesses royales, le guet-apens de la
tour de Nesle.
    — Quels sont ces hommes qui
déshonorent la couronne de France ? demanda Isabelle.
    — Ils marchent à vingt pas de
vous. Ils sont de l’escorte qui vous fait conduite.
    Et il donna les renseignements
essentiels sur les frères d’Aunay, leurs fiefs, leur parenté, leurs alliances.
    — Je veux les voir, dit
Isabelle.
    À grands signes, d’Artois appela les
deux jeunes gens.
    — La reine vous a remarqués,
dit-il en leur faisant un gros clin d’œil.
    Les visages des deux garçons
s’épanouirent d’orgueil et de plaisir.
    D’Artois les poussa vers la litière,
comme s’il était en train de faire leur fortune, et tandis qu’ils saluaient
plus bas que l’encolure de leurs montures, il dit, jouant la jovialité :
    — Madame, voici messires
Gautier et Philippe d’Aunay, les plus loyaux écuyers de votre frère et de votre
oncle. Je les recommande à votre bienveillance. Ils sont un peu mes protégés.
    Isabelle examina froidement les deux
jeunes hommes, se demandant ce qu’ils avaient dans le visage et l’allure qui
pût détourner de leur devoir des filles de roi. Ils étaient beaux, à coup sûr,
et la beauté des hommes gênait toujours un peu Isabelle. Soudain, elle aperçut
les aumônières à la ceinture des deux cavaliers, et ses yeux aussitôt
cherchèrent ceux de Robert. Ce dernier eut un bref sourire.
    Désormais il pouvait rentrer dans
l’ombre. Il n’aurait même pas à assumer devant la cour le rôle déplaisant de
délateur. « Beau labeur, Robert, beau labeur », se

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