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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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« Votre
gracieuse présence est pour nous un grand honneur, Dame, fit-il en s’inclinant
devant Guenièvre.
    — Je ne
suis pas venue t’honorer, vermisseau. Je suis venue montrer à Derfel les
carnages auxquels tu te livres. Comment adorer ton Dieu là-dedans ?
demanda-t-elle en montrant de la main l’église en chantier. Autant prendre des
écuries !
    — Notre
cher Seigneur est né dans une étable, Dame, et je me réjouis que notre humble
église t’y fasse penser. » Il s’inclina de nouveau devant elle. Certains
de ses ouvriers s’étaient rassemblés à l’extrémité du nouvel édifice et
entonnèrent un de leurs cantiques pour conjurer la funeste présence des païens.
    « Ah ça,
pour sûr, on dirait une étable ! » Puis, écartant le prêtre, elle
s’avança sur le sol jonché de gravats en direction d’une cabane de bois adossée
au mur de pierre et de briques de la maison de Nabur. Elle lâcha la bride à ses
lévriers. « Où est cette statue, Sansum ? » Elle lança la
question par-dessus son épaule tout en ouvrant brusquement la porte.
    « Hélas,
gracieuse Dame, j’ai voulu la sauver pour vous, mais notre bienheureux seigneur
a commandé qu’elle soit fondue. Pour les pauvres, vous comprenez ? »
    Elle se
retourna furieuse vers l’évêque. « Un bronze ! À quoi le bronze
peut-il servir aux pauvres ? Ils le mangent ? » Elle me regarda.
« Une statue de Mercure, Derfel, de la taille d’un grand gaillard et
magnifiquement travaillée. Et belle ! Du travail de Romain, non de Breton,
mais la voilà disparue, fondue dans un four chrétien, tout ça parce que vous
autres  – elle fixait Sansum d’un regard haineux  –, vous ne
supportez pas la beauté. Elle vous fait peur. Vous êtes comme des larves qui abattent
un arbre et vous n’avez aucune idée de ce que vous faites. » Elle se
baissa pour entrer dans la cabane, où, de toute évidence, Sansum entreposait
les objets précieux qu’il découvrait dans les temples romains. Elle en
ressortit avec une statuette de pierre qu’elle lança à l’un de ses gardes.
« Ce n’est pas grand-chose, mais c’est déjà ça de pris à un avorton de
charpentier né dans une étable. »
    Toujours
souriant, malgré les insultes, Sansum me demanda où en étaient les batailles
dans le nord. « Nous gagnons lentement.
    — Dis à
mon seigneur, le prince Arthur, que je prie pour lui.
    — Prie
pour ses ennemis, crapaud, intervint Guenièvre, et peut-être gagnerions-nous
plus vite. » Elle regarda ses deux chiens qui pissaient contre les
nouveaux murs de l’église. « Cadwy a suivi cette route le mois dernier et
s’est approché, me dit-elle.
    — Grâce à
Dieu, nous avons été épargnés, ajouta pieusement Mgr Sansum.
    — Pas
grâce à toi, misérable vermisseau, trancha Guenièvre. Les chrétiens ont détalé.
Ramassé leurs frusques et filé à l’est. Nous autres, nous sommes restés, et
Lanval, grâce soit rendue à nos Dieux, a chassé Cadwy. » Elle cracha en
direction de la nouvelle église. « Nous finirons par être libérés de nos
ennemis et ce jour-là, Derfel, j’abattrai cette étable pour bâtir un temple
digne d’un vrai Dieu.
    — Pour
Isis ? demanda craintivement Sansum.
    — Prends
garde, le prévint Guenièvre, car ma Déesse règne sur la nuit et elle pourrait
bien se saisir de ton âme pour son amusement. Bien que les Dieux seuls sachent
à quoi pourrait bien servir ton âme misérable. Viens, Derfel. »
    Elle récupéra
ses deux lévriers et nous remontâmes la colline. Guenièvre hochait la tête sous
l’effet de la colère. « Tu vois ce qu’il fabrique ? Démolir
l’ancien ! Et pourquoi ? Afin de nous imposer ses mesquines
superstitions de pacotille. Pourquoi ne peut-il laisser en paix les
anciens ? Que des imbéciles veuillent se prosterner devant un charpentier,
c’est leur affaire, mais en quoi ça le gêne de savoir qui nous adorons ?
Mon avis, c’est que plus il y a de Dieux, mieux ça vaut. Pourquoi offenser
certains Dieux pour exalter le sien ? Ça n’a pas de sens.
    — Qui est
Isis ? » demandai-je alors que nous franchissions la porte de sa
villa.
    Elle me lança
un regard amusé. « Est-ce la question de mon cher mari que
j’entends ?
    — Oui. »
    Elle rit.
« Bien joué, Derfel. La vérité est toujours étonnante. Ainsi donc, Arthur
s’inquiète de ma Déesse ?
    — Il
s’inquiète, parce que Sansum le tracasse avec des histoires de

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