Le Roi de l'hiver
mystères. »
D’un mouvement
d’épaules, elle se débarrassa de son manteau qui tomba sur les dalles de la
cour, où une esclave le ramassa. « Dis à Arthur qu’il n’a aucun souci à se
faire. Doute-t-il de mon affection ?
— Il vous
adore, répondis-je avec ménagement.
— Moi
aussi, fit-elle dans un sourire. Dis-le-lui, Derfel, ajouta-t-elle avec
chaleur.
— Je n’y
manquerai pas, Dame.
— Et
dis-lui qu’il n’a aucun souci à se faire à propos d’Isis. » D’un geste
impulsif, elle me prit par la main. « Viens », dit-elle, comme elle
l’avait fait pour me conduire au nouveau sanctuaire chrétien, mais cette
fois-ci elle m’entraîna à travers la cour, enjambant les petites rigoles, vers
une petite porte creusée dans les arcades. Lâchant ma main pour ouvrir la
porte, elle annonça alors : « Voici le sanctuaire d’Isis qui tracasse
mon cher seigneur.
— Les
hommes ont le droit d’y entrer ? demandai-je hésitant.
— De
jour, oui. De nuit ? Non. » Elle se baissa pour franchir la porte et
écarta un épais rideau de laine suspendu à l’entrée. Je la suivis et me retrouvai
dans une pièce noire, sans la moindre lumière. « Reste où tu es », me
prévint-elle, et au départ je crus obéir à une règle d’Isis, mais, mes yeux
s’habituant à l’obscurité, je compris qu’elle m’avait dit de m’arrêter pour
m’empêcher de trébucher dans un bassin creusé dans le sol. La seule lumière
venait des franges du rideau, à la porte, mais comme j’attendais je pris
conscience d’une lumière grise qui filtrait au fond de la pièce ; puis je
vis que Guenièvre baissait couche sur couche de tentures murales noires, toutes
soutenues par un bâton supporté par des crochets. Et les tissus étaient si
épais que les diverses couches de toile ne laissaient entrer aucune lumière.
Derrière les tentures, maintenant fripées sur le sol, se trouvaient des volets,
que Guenièvre ouvrit, laissant entrer un flot de lumière éblouissante.
« Voilà,
dit-elle en se postant à côté de la grande fenêtre cintrée, voilà les
mystères ! » Elle se moquait des craintes de Sansum, même si, en
vérité, la pièce était réellement mystérieuse car elle était toute noire. Le
sol était de pierres noires, les murs et le plafond voûté étaient enduits de
poix. Au centre de la pièce, se trouvait un bassin peu profond d’eau noire et
derrière, entre le bassin et la fenêtre maintenant grande ouverte, se dressait
un petit trône de pierre noire.
« Alors,
Derfel, qu’en penses-tu ?
— Je ne
vois point de Déesse, dis-je en cherchant des yeux une statue d’Isis.
— Elle
vient avec la lune », répondit Guenièvre tandis que j’essayais d’imaginer
la pleine lune inondant de son éclat le bassin et miroitant sur les murs noirs.
« Parle-moi de Nimue, ordonna-t-elle, et je te parlerai d’Isis.
— Nimue
est la prêtresse de Merlin et elle apprend ses secrets. » Ma voix
résonnait dans la salle de pierre peinte en noir.
« Quels
secrets ?
— Les
secrets des anciens Dieux, Dame. »
Elle fronça
les sourcils. « Mais comment trouve-t-il ces secrets ? Je croyais que
les anciens druides ne couchaient rien par écrit. Il leur était interdit
d’écrire, n’est-ce pas ?
— En
effet, Dame, mais Merlin n’en est pas moins en quête de leur savoir. »
Guenièvre
inclina la tête. « Je savais que des connaissances s’étaient perdues. Et
Merlin va les retrouver ? Bien ! Cela pourrait clouer le bec à cet
infâme crapaud de Sansum. » Elle s’était placée au centre de la fenêtre
et, par-delà les toitures de tuiles et de chaume de Durnovarie, les remparts
sud et l’amphithéâtre envahi par les herbes, elle regardait les énormes murs de
terre de Mai Dun qui se dressaient à l’horizon. Des nuages blancs
s’amoncelaient dans le ciel blanc, mais ce qui me coupa le souffle, c’est la
lumière du soleil qui traversait le fourreau de lin blanc de Guenièvre, en
sorte que la dame de mon seigneur, cette princesse de Henis Wyren, aurait pu
tout aussi bien être nue. En cet instant, alors que le sang me battait les
oreilles, je jalousai mon seigneur. Guenièvre avait-elle conscience de la
trahison du soleil ? Je ne le pensais pas, mais j’ai bien pu me tromper.
Elle me tournait le dos, mais elle se tourna brusquement à demi pour me voir.
« Lunette est-elle une magicienne ?
— Non,
Dame.
— Mais
elle a appris auprès de
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