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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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plus de langues, n’est-ce pas,
Celwin ? »
    Le roi
s’adressait à l’unique occupant des lieux, un vieux prêtre à la barbe blanche.
Le dos grotesquement voûté, il avait le capuce des moines. Pour toute réponse,
le prêtre leva une main décharnée, sans quitter des yeux les rouleaux qui
encombraient sa table. L’espace d’un instant, je crus que le prêtre avait un
cache-col noué à l’arrière de son capuce, puis je vis un chat gris qui leva la
tête, me regarda, bâilla et se replongea dans le sommeil. Sans s’offusquer de
la grossièreté du moine, le roi Ban me fit faire le tour de ses casiers en me
parlant des trésors qu’il avait amassés. « J’ai ici, commença-t-il
fièrement, tout ce que les Romains ont laissé et tout ce que mes amis pensent à
m’envoyer. Certains manuscrits sont trop anciens pour qu’on les puisse encore
manipuler, et ce sont ceux-là que nous recopions. Voyons voir, de quoi s’agit-il ?
Ah oui, les douze pièces d’Aristophane. Je les ai toutes, naturellement. Voici Les
Babyloniens . Une comédie en grec, jeune homme.
    — Et pas
amusante du tout, glapit le prêtre depuis sa table.
    — Et
d’une drôlerie irrésistible », ajouta le roi Ban, indifférent à la
grossièreté du prêtre à laquelle il était visiblement habitué. « Peut-être
les fili devraient-ils construire un théâtre et la jouer ? Ah,
voici qui te plaira. Horace, l’ Ars Poetica . Je l’ai copié moi-même.
    — Pas
étonnant que ce soit illisible, trancha le père Celwin.
    — Je
demande à tous les fili d’étudier les maximes d’Horace, m’expliqua le
roi.
    — Et
c’est pourquoi ils font de si exécrables poètes, intervint le prêtre, toujours
sans lever les yeux de ses rouleaux.
    — Ah,
Tertullien ! » Le roi sortit un rouleau de son écrin et souffla la
poussière du parchemin. « Une copie de son Apologétique  !
    — Fadaises !
trancha Celwin. De l’encre précieuse dépensée en pure perte.
    — L’éloquence
même ! s’exalta le roi. Je ne suis pas chrétien, Derfel, mais certains
écrits chrétiens sont pétris de bon sens moral.
    — Rien de
tel ici, s’obstina le prêtre.
    — Ah,
voici une œuvre que tu dois déjà connaître, fit le roi en tirant un autre
rouleau de son casier. Les Pensées de Marc Aurèle. Un guide sans pareil,
mon cher Derfel, un viatique.
    — Des
platitudes en mauvais grec écrites par un raseur romain, grommela le prêtre.
    — Probablement
le plus grand livre jamais écrit, ajouta le roi d’un air songeur en remettant
Marc Aurèle à sa place pour extraire aussitôt un autre rouleau. Et voici une
curiosité, vraiment. Le grand traité d’Aristarque de Samos. Tu le connais, j’en
suis sûr ?
    — Non,
Seigneur, avouai-je.
    — Peut-être
n’est-il point sur la liste de lecture de tout le monde, admit tristement le
roi, mais il ne manque pas d’un certain piquant. Aristarque prétend  – ne
ris pas  – que c’est la terre qui tourne autour du soleil, plutôt que le
contraire. » Et le roi d’illustrer cette idée saugrenue avec force
extravagants moulinets des deux bras. « Il a tout renversé, tu
comprends ?
    — Ça me
paraît raisonnable, fit Celwin toujours plongé dans son travail.
    — Et
Silius Italicus ! » D’un geste de la main, le roi désigna tout un
groupe de cases emplies de rouleaux. « Le cher Silius Italicus ! J’ai
les dix-huit volumes de son histoire de la Seconde Guerre punique. Toute en
vers, bien entendu. Quel trésor !
    — La
Seconde Guerre emphatique, ricana le prêtre.
    — Voilà
ma bibliothèque, conclut fièrement Ban en m’entraînant hors de la pièce, la
gloire d’Ynys Trebes ! Cela et nos poètes. Désolé de vous avoir dérangé,
Père !
    — Une
sauterelle dérange-t-elle un chameau ? » demanda le père Celwin alors
que la porte se refermait sur lui et qu’emboîtant le pas à Ban je passai à
nouveau devant la harpiste aux seins nus pour retrouver Bleiddig qui nous attendait.
    « Le père
Celwin poursuit des recherches, annonça fièrement le roi, sur l’envergure des
ailes des anges. Peut-être devrais-je l’interroger sur l’invisibilité ? Il
semble tout savoir. Mais comprends-tu maintenant, Derfel, pourquoi il est si
important qu’Ynys Trebes ne tombe pas ? Dans ce modeste endroit, mon cher
compagnon, repose toute la sagesse de notre monde, recueillie dans ses ruines
et mise en sécurité. Je me demande ce qu’est un chameau. Sais-tu ce

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