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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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à
l’embouchure tandis que sur la côte une bande de loqueteux se mit à nous
interpeller et à tirer de faibles flèches qui retombèrent bien loin de nos
trois navires. Notre capitaine redoutait une tempête et, à cette fin, il
sacrifia un chevreau qui se trouvait à bord. Il aspergea la proue de son navire
du sang de l’animal et, au matin, le vent était retombé, mais un grand
brouillard enveloppait la mer. Aucun capitaine ne se risquerait à faire voile
dans des conditions pareilles, et nous attendîmes un jour plein et une nuit,
puis, le ciel s’étant dégagé, nous poursuivîmes à la rame vers le sud. La
journée fut longue. Nous élongeâmes de redoutables rochers que couronnaient les
carcasses de navires venus s’y briser puis, par une chaude soirée, alors qu’un
vent léger et la marée montante aidaient nos rameurs fatigués, nous entrâmes
dans un large fleuve où, sous les ailes fortunées d’une volée de cygnes, nous
accostâmes. Il y avait un fort dans le voisinage et des hommes en armes
descendirent sur la rive pour nous défier, mais Bleiddig cria que nous étions
des amis. Les hommes répondirent en Bretons pour nous souhaiter la bienvenue.
Le soleil couchant dorait les remous et les tourbillons du fleuve. L’endroit
sentait le poisson, le sel et la poix. Des filets noirs pendaient à des
râteliers à côté de bateaux de pêche à l’échouage, des feux flamboyaient sous
les marais salants, des chiens allaient et venaient dans les vaguelettes,
aboyant après nous, tandis qu’un groupe de marmots accourut de cabanes voisines
pour nous voir patauger jusque sur la terre ferme.
    Je descendis
le premier avec mon bouclier orné de l’ours, le symbole d’Arthur, mais
retourné, et lorsque j’eus franchi la ligne de goémon formée par la marée haute
j’enfonçai la hampe de ma lance dans le sable et priai Bel, mon protecteur, et
Manawydan, le Dieu de la Mer, qu’ils me ramènent un jour d’Armorique vers la
côte de mon seigneur Arthur dans la bienheureuse Bretagne.
    Puis nous
allâmes guerroyer.
     
     
    Je m’étais
laissé dire qu’aucune ville, pas même Rome ou Jérusalem, n’était aussi belle
qu’Ynys Trebes, et peut-être ces hommes disaient-ils vrai car, bien que je
n’eusse jamais vu ces autres cités, j’ai vu Ynys Trebes, et c’était un lieu de
merveilles, une ville prodigieuse, la plus belle capitale que j’eusse jamais
vue. Elle était bâtie sur une île de granit escarpée au milieu d’une baie large
et peu profonde parfois balayée par les vents hurlants et déchirée par l’écume,
mais au sein d’Ynys Trebes régnait le calme. En été, la baie miroitait de
chaleur, mais dans la capitale de Benoïc il faisait toujours frais. Guenièvre
aurait aimé Ynys Trebes, car on y chérissait tout ce qui était ancien et on en
rejetait tout ce dont la laideur pouvait gâter la grâce.
    Les Romains
étaient venus à Ynys Trebes, bien entendu, mais ils ne l’avaient point
fortifiée, se bornant à édifier deux villas à son sommet. Les villas étaient
toujours là : le roi Ban et la reine Elaine les avaient réunies puis
embellies en pillant les édifices romains de la terre ferme en quête de piliers
et de piédestaux, de mosaïques et de statues, si bien que le sommet de la
colline était désormais couronné par un palais aérien et lumineux, où le
moindre souffle de vent venu de la mer brasillante gonflait les rideaux de lin
blanc. C’est par bateau qu’on accédait le plus facilement à l’île, bien qu’il y
eût un genre de digue toujours couverte à marée haute et que les sables
mouvants pouvaient rendre traîtresse à marée basse. Des brins d’osier
marquaient la digue, mais la force des marées gigantesques déplaçait sans cesse
les balises et seul un fou pouvait s’y risquer sans recourir aux services d’un
guide du pays pour le diriger à travers les sables aspirants et les criques
mouvantes. Lors des marées les plus basses, Ynys Trebes émergeait au milieu
d’une vaste étendue de sable parsemée de mares et de ravines, tandis qu’à marée
haute, lorsque soufflait un fort vent d’ouest, la cité ressemblait à un
monstrueux navire suivant son cours, intrépide, dans une mer démontée.
    Sous le
palais, s’agglutinaient des constructions de moindre importance accrochées aux
pentes de granit comme des nids d’oiseaux de mer. Il y avait des temples, des
boutiques, des églises et des maisons, toutes chaulées, toutes en

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