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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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yeux ternes et durs. « Je trouvais malavisé pour un
guerrier de discuter lors d’un banquet, Seigneur Prince.
    — Tu es
donc un enfant timide ! » railla-t-il.
    Je soupirai et
baissai la voix. « Tu cherches réellement la dispute, Seigneur
Prince ? demandai-je, maintenant à bout de patience, parce que si c’est
cela, traite-moi encore une fois d’enfant et je te fends le crâne. » Je
souris.
    « Enfant »,
fit-il après un battement de cœur.
    Je lui lançai
de nouveau un regard perplexe, me demandant s’il jouait un jeu dont je ne
pouvais deviner les règles, mais si tel était le cas, le jeu était d’un sérieux
mortel. « Dix fois l’épée noire, dis-je.
    — Quoi ? »
Il fronça les sourcils, ne reconnaissant pas la formule mithriaque signifiant
qu’il n’était pas mon frère. « As-tu perdu la tête ? »
demanda-t-il, puis, après une pause, il reprit : « Serais-tu un
enfant fou aussi bien que timide ? »
    Je le frappai.
J’aurais dû garder mon sang-froid, mais mon malaise et ma colère eurent raison
de ma prudence. Je lui donnai un grand coup de coude qui lui mit le nez en
sang, lui ouvrit la lèvre et le fit basculer de son siège. Il tomba les quatre
fers en l’air et voulut me balancer dessus la chaise tombée, mais j’étais trop
prompt et trop près pour que le coup eût la moindre force. Je repoussai la
chaise, l’obligeai à se redresser et le repoussai contre un pilier ou je
frappai sa tête contre la pierre et lui enfonçai un genou dans l’aine. Il
fléchit. Sa mère hurlait, tandis que le roi Ban et les poètes me regardaient
bouche bée. Un garde nerveux en manteau blanc me pointa sa lance sur la gorge.
« Retire ça, ordonnai-je, ou tu es un homme mort. » Il s’exécuta.
    « Qui
suis-je. Seigneur Prince ? demandai-je à Lancelot.
    — Un
enfant. »
    Je lui mis
l’avant-bras en travers de la gorge, l’étouffant à moitié. Il se débattait,
sans pouvoir me repousser. « Qui suis-je, Seigneur ? demandai-je à
nouveau.
    — Un
enfant », croassa-t-il.
    Une main me toucha
le bras. Me retournant, je vis un homme blond de mon âge, qui souriait. Il
s’était assis à l’autre bout de la table et je l’avais pris pour un poète, lui
aussi, mais je m’étais trompé. « Il y a longtemps que je voulais faire ce
que tu fais, dit le jeune homme, mais si tu veux que mon frère cesse de
t’insulter, il te faudra le tuer, et l’honneur de ma famille m’obligera à te
tuer à mon tour, et je ne suis pas sûr d’en avoir envie. »
    Je retirai mon
bras de la gorge de Lancelot. L’espace de quelques secondes, il resta là,
peinant à retrouver sa respiration, puis hocha la tête, me cracha dessus et
retourna à table. Il saignait du nez. Il avait les lèvres tuméfiées et les
cheveux en bataille. Son frère semblait s’amuser de la bagarre. « Je suis
Galahad, dit-il, et je suis fier de rencontrer Derfel Cadarn. »
    Je le
remerciai puis me forçai à rejoindre le siège du roi Ban où, malgré son
aversion déclarée pour les gestes de respect, je m’agenouillai. « De
l’affront fait à votre maison, Sire, je vous demande pardon et m’en remets à
votre châtiment.
    — Châtiment ?
fit-il, visiblement surpris. Ne fais pas le sot. C’est juste le vin. Un excès
de vin. Ne devrions-nous pas mettre de l’eau dans notre vin comme le faisaient
les Romains, Père Celwin ?
    — Ridicule !
dit le vieux prêtre.
    — Point
de châtiment, Derfel, conclut Ban. Et relève-toi, je ne supporte pas qu’on se
prosterne devant moi, et quelle faute y a-t-il là ? J’aime la dispute,
n’est-ce pas, Père Celwin ? Un souper sans dispute est pareil à un jour
sans poésie  – le roi fit mine de ne pas entendre le commentaire acide du
prêtre affirmant que ce serait un jour béni entre tous  – et mon fils
Lancelot est un homme emporté. Il a un cœur de guerrier et une âme de poète, ce
qui est, je crois, un mélange des plus explosifs. Assieds-toi et mange. »
Ban était un monarque fort généreux, même si je remarquais que sa reine Elaine
était loin d’être satisfaite de sa décision. Elle avait les cheveux gris, et
pourtant son visage était sans ride et respirait une grâce et un calme qui
seyaient à la beauté sereine d’Ynys Trebes. À cet instant, cependant, la reine
me tançait d’un air sévère et réprobateur.
    « Tous
les guerriers dumnoniens ont-ils aussi peu de manières ? demanda-t-elle
d’une voix revêche à

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