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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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toute la tablée.
    — Vous
voudriez que les guerriers soient des hommes de cour ? répliqua sèchement
Celwin. Vous enverriez vos précieux poètes tuer les Francs ? Non pas en
récitant leurs vers, quoique j’en arrive à penser que ce pourrait être fort
efficace ! » Il lança des œillades à la reine et les trois poètes
haussèrent les épaules. Celwin avait tant bien que mal échappé à l’interdit
frappant la laideur à Ynys Trebes, car sans le capuchon qu’il portait dans la
bibliothèque, il semblait étonnamment peu gâté par la nature, avec son bandeau
taché sur un œil, sa bouche aigre et tordue, ses cheveux plats qui poussaient
derrière une ligne de tonsure hachurée, une barbe crasseuse dissimulant à
moitié une croix de bois pendant sur sa poitrine creuse, et un corps voûté et
déformé par son incroyable bosse. Le chat gris installé autour de son cou à la
bibliothèque était maintenant enroulé sur ses genoux et se régalait de miettes
de homard.
    « Viens
t’asseoir à côté de moi et ne te fais aucun reproche.
    — Mais
si, c’est ma faute. J’aurais dû garder mon sang-froid.
    — Mon
frère, reprit Galahad quand chacun eut repris sa place, mon demi-frère se plaît
à asticoter les gens. C’est son passe-temps favori, mais la plupart n’osent pas
riposter, parce qu’il est l’Edling, ce qui veut dire qu’un jour il aura pouvoir
de vie et de mort. Mais tu as bien fait.
    — Non,
j’ai mal réagi.
    — Je ne
discuterai pas. Mais je te conduirai sur la côte cette nuit.
    — Cette
nuit ? fis-je surpris.
    — Mon
frère ne prend pas la défaite à la légère, dit Galahad d’une voix douce. Un
coup de couteau entre les côtes pendant que tu dors ? Si j’étais toi,
Derfel, j’irais retrouver mes hommes sur la côte pour dormir en sécurité dans
leurs rangs. »
    Je dirigeai
mes regards à l’autre bout de la table, où le bel et ténébreux Lancelot se
faisait maintenant consoler par sa mère qui tamponnait son visage ensanglanté
avec une serviette imbibée de vin. « Ton demi-frère ? demandai-je à
Galahad.
    — Je suis
né de la maîtresse du roi, non de sa femme, m’expliqua-t-il à voix basse en se
penchant vers moi. Mais Père a été bon avec moi et insiste pour qu’on m’appelle
prince. »
    Le roi Ban
discutait maintenant avec le père Celwin de quelque obscur point de théologie
chrétienne. Ban débattait avec un enthousiasme courtois tandis que Celwin
crachait des insultes, et les deux hommes s’amusaient vivement. « Ton père
me dit que Lancelot et toi êtes tous deux des guerriers, dis-je à Galahad.

— Tous
les deux ? fit-il en riant. Mon cher frère emploie des poètes et des
bardes pour chanter ses louanges comme s’il était le plus grand guerrier
d’Armorique, mais je ne l’ai encore jamais vu dans une ligne de boucliers.
    — Je dois
cependant me battre pour préserver son patrimoine, dis-je avec aigreur.
    — Le
royaume est perdu, lâcha négligemment Galahad. Père a dépensé son argent en bâtiments
et en manuscrits, plutôt qu’en soldats, et ici, à Ynys Trebes, nous sommes trop
loin des nôtres, si bien qu’ils se replieraient sur la Brocéliande plutôt que
de nous appeler à la rescousse. Les Francs gagnent partout. Ton devoir, Derfel,
est de rester en vie et de rentrer sain et sauf au pays. »
    Sa franchise
me fit le regarder avec un intérêt nouveau. Il avait un visage plus large et
plus rond que son frère, mais aussi plus ouvert ; le genre de figure qu’on
serait ravi d’avoir à sa droite dans une ligne de boucliers. Le côté droit est
en effet défendu par le bouclier de son voisin, et il vaut donc mieux être en
bons termes avec celui-ci, et Galahad, je le sentais d’instinct, serait un
homme facile à aimer. « Es-tu en train de dire que nous ne devrions pas
combattre les Francs ? lui demandai-je posément.
    — Je dis
que la bataille est perdue, mais que, oui, tu as promis sous serment à Arthur
de te battre, et chaque instant de vie pour Ynys Trebes est un moment de
lumière dans un monde de ténèbres. J’essaie de persuader Père d’envoyer sa
bibliothèque en Bretagne, mais je crois qu’il préférerait d’abord se faire
arracher le cœur. Mais lorsque sonnera l’heure, j’en suis sûr, il l’expédiera.
Maintenant  – il écarta de la table son siège doré  – il nous faut partir,
toi et moi. Avant, ajouta-t-il à voix basse, que les fili ne récitent. À
moins, bien sûr,

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