Le Roi de l'hiver
maintenant un refuge désespéré au
sommet de la colline.
Les gardes
avaient déserté la cour. Les portes du palais étaient restées ouvertes et à
l’intérieur, où les femmes se blottissaient et les enfants pleuraient, le beau
mobilier attendait les conquérants. Le vent agitait les rideaux.
Je m’élançai à
travers les salles élégantes, traversai la chambre des glaces, passai devant la
harpe abandonnée de Leanor et entrai dans la grande pièce où Ban m’avait reçu
la première fois. Le roi était encore là, encore dans sa toge, encore à sa
table, une plume à la main. « Il est trop tard », dit-il comme je
faisais irruption dans la salle, l’épée tirée. « Arthur a manqué à ses
engagements. »
Les couloirs
du palais n’étaient que hurlements. La fumée cachait la vue des fenêtres
cintrées.
« Père,
venez avec nous ! dit Galahad.
— J’ai à
faire », répondit Ban avec humeur. Il trempa sa plume dans son encrier et
se mit à écrire. « Tu ne vois pas que je suis occupé ? »
J’enfonçai la
porte qui menait à la bibliothèque, traversai l’antichambre déserte puis,
ouvrant la porte, aperçus le prêtre bossu debout devant une étagère à rouleaux.
Le parquet de bois poli était jonché de manuscrits. « Votre vie
m’appartient », criai-je avec colère, en voulant à cet affreux nabot de
m’avoir mis dans cette obligation quand il y avait tant d’autres vies à sauver
dans la cité. « Alors venez avec moi ! Tout de suite ! » Le
prêtre fit comme s’il n’avait rien entendu. Il retirait frénétiquement les
rouleaux des casiers, défaisait les rubans et les sceaux et parcourait les premières
lignes avant de les jeter et de s’emparer d’autres rouleaux.
« Venez ! grondai-je.
— Une
minute ! » insista Celwin. Il retira un autre rouleau, dont il se
débarrassa aussi vite pour en ouvrir un autre. « Pas encore ! »
Un grand fracas
déchira le silence du palais. Des hourras retentirent, bien vite noyés dans les
hurlements. Galahad se tenait à la porte de la bibliothèque, implorant son père
de nous suivre, mais Ban donna congé à son fils d’un geste de la main, comme si
ses paroles le gênaient. Puis la porte s’ouvrit brusquement sur les pas de
trois guerriers francs en nage. Galahad se précipita à leur rencontre, mais il
n’eut pas le temps de sauver la vie de son père et Ban n’esquissa pas même un
geste pour se défendre. Le chef franc l’abattit d’un coup d’épée, mais je crois
que le roi de Benoïc était mort d’une crise cardiaque avant même que la lame
ennemie ne le touchât. Le Franc essaya de trancher la tête du roi mais tomba
sous la lance de Galahad tandis que, brandissant Hywelbane, j’allongeai une
botte au second et balançai son corps blessé pour faire trébucher le troisième.
L’haleine du moribond empestait la bière, comme l’haleine des Saxons. La fumée
apparut derrière la porte. Galahad se trouvait à côté de moi, maintenant, donnant
un grand coup de lance pour tuer le troisième. Mais déjà d’autres Francs se
pressaient dans le couloir. Je dégageai mon épée pour me replier dans
l’antichambre. « Venez, vieux fou ! criai-je par-dessus mon épaule au
prêtre entêté.
— Vieux,
oui, Derfel, mais fou ? Jamais. » Le prêtre rit, et quelque chose
dans ce rire acerbe me fit me retourner et je vis, comme en rêve, que la bosse
disparaissait tandis que le prêtre s’étirait de tout son long. Il n’était pas
laid du tout, me dis-je, mais merveilleux et majestueux, et si plein de sagesse
qu’alors même que je me trouvais dans un lieu de mort qui puait le sang et
résonnait des cris perçants des mourants, je me sentis plus en sécurité que je
ne l’avais jamais été de toute ma vie. Il continuait à se moquer de moi,
visiblement ravi de m’avoir dupé si longtemps.
« Merlin ! »
J’avoue que j’avais les larmes aux yeux.
« Accorde-moi
quelques minutes, retiens-les. » Il continuait à piocher des rouleaux,
déchirant les sceaux et les jetant après un rapide coup d’œil. Il avait retiré
son bandeau, qui faisait simplement partie de son déguisement.
« Retiens-les », reprit-il en se dirigeant vers un nouveau casier de
rouleaux qu’il n’avait pas examinés. « J’entends que tu es bon au
massacre, alors excelle maintenant. »
Galahad boucha
le passage avec la harpe et le tabouret de la harpiste et nous défendîmes
l’accès à l’aide de nos
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