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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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abandonner le chat !Ne sois pas
ridicule !
    — Au nom
des Dieux, Seigneur ! » Mais Merlin jouait des pieds et des mains
sous la table pour récupérer le chat gris effarouché qu’il serrait dans ses
bras lorsqu’il se décida enfin à escalader le rebord de la fenêtre pour
retomber dans le jardin protégé par de petites haies de lauriers. Le soleil
était magnifique à l’ouest, noyant le ciel d’un rouge vif et inondant les eaux
de la baie de ses reflets ardents et tremblotants. Nous franchîmes la haie et,
suivant Galahad, descendîmes une volée d’escaliers qui menaient à une cabane de
jardinier, puis nous longeâmes un sentier périlleux qui contournait le pic de
granit. D’un côté, la falaise, de l’autre le vide, mais Galahad connaissait ces
sentiers depuis sa plus tendre enfance et nous conduisit avec assurance vers l’eau
ténébreuse.
    Des corps
flottaient dans la mer. Notre bateau, bondé au point que c’était un miracle
qu’il pût encore flotter, était déjà à un quart de mille, ses rames peinant à
mettre sa cargaison de passagers en sécurité. Je mis les mains en porte-voix et
criai. « Culhwch ! » Ma voix se répéta en écho dans les rochers
puis s’estompa à travers la mer où elle se perdit dans l’immensité des pleurs
et des geignements qui marquèrent la fin d’Ynys Trebes.
    « Laissons-les
filer », dit calmement Merlin, avant de fouiller sous sa robe crasseuse de
Père Celwin. « Prends ça ! » Il me fourra le chat dans les bras
puis se remit à tâtonner sous sa robe jusqu’à ce qu’il eût trouvé une petite
corne d’argent, dans laquelle il souffla une fois. Une note très légère.
    Presque
aussitôt apparut sur la côte nord d’Ynys Trebes un frêle esquif noir. Un homme
en robe, seul, le manœuvrait à l’aide d’un aviron dont il se servait comme
d’une godille. L’esquif avait une proue pointue et son ventre était juste assez
grand pour accueillir trois passagers. Un coffre de bois reposait au fond,
portant le sceau de Merlin avec le Dieu cornu, Cernunnos. « J’ai pris ces
dispositions, expliqua Merlin d’un ton dégagé, lorsqu’il est apparu clairement
que le malheureux Ban n’avait aucune idée des rouleaux qu’il possédait. J’ai
pensé qu’il me faudrait plus de temps, et je ne me suis pas trompé.
Naturellement, les rouleaux étaient étiquetés, mais les fili passaient
leur temps à les mélanger, prétendant les améliorer quand ils ne les pillaient
pas carrément en donnant les vers pour les leurs. Une fripouille a passé six
mois à plagier Catulle, avant de le ranger sous le nom de Platon. Bonsoir, mon
cher Caddwg ! » Il salua chaleureusement le batelier. « Tout va
bien ?
    — Mis à
part que le monde se meurt, oui, grogna Caddwg.
    — Mais tu
as le coffre, ajouta Merlin en montrant la petite malle scellée. Tout le reste
n’a aucune importance. »
    L’esquif
gracieux appartenait naguère au palais et servait à transporter les passagers du
port jusqu’aux grands navires qui mouillaient au large, et Merlin avait veillé
qu’il attendît ses ordres. Dès que nous fûmes montés à bord et installés sur le
pont, Caddwg le revêche lança notre petite embarcation dans la mer du soir. Une
seule lance plongea depuis les hauteurs et fut engloutie par l’eau à côté de
nous, sans quoi notre départ passa inaperçu. Merlin me reprit le chat et alla
s’installer paisiblement à l’avant tandis que Galahad et moi observions la mort
de l’île.
    La fumée se
répandait sur l’eau. Les cris des condamnés formaient un thrène plaintif alors
que le jour expirait. Nous voyions les sombres silhouettes des lanciers francs
qui continuaient à traverser la digue et à patauger à son extrémité en
direction de la ville tombée. Le soleil plongeait, enveloppant la baie d’un
voile de ténèbres qui rendait les flammes du palais plus vives encore. Un
rideau prit feu et s’embrasa un court instant avant de tomber en cendres. En
revanche, c’est dans la bibliothèque que le feu se déchaîna avec le plus de
violence, les rouleaux s’enflammèrent l’un après l’autre pour transformer ce
coin du palais en un véritable enfer. Ce fut le bûcher funéraire du roi Ban qui
brûla dans la nuit.
    Galahad
pleura. Agenouillé sur le pont, serrant sa lance, il observa sa maison tomber
en poussière. Il se signa et pria en silence que l’âme de son père rejoignît
l’Au-Delà auquel il croyait. La mer était

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