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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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son
bouclier : l’homme dégringola les marches, les mains serrées sur son
ventre qui pissait le sang. « Tu sais comment nous sortir sains et saufs
de la ville ! » criai-je à Galahad. J’abandonnai ma lance pour
l’arracher aux ennemis enragés qui inondaient les escaliers. En haut des
marches, se trouvait un atelier de poterie et, malgré le siège, la marchandise
du boutiquier était encore exposée sur des tréteaux à l’abri d’une banne de
toile. Je renversai une table de cruches et de vases sur le chemin des
assaillants, puis arrachai le vélum pour le leur lancer dessus.
« Conduis-nous ! » Il y avait des allées et des jardins que
seuls connaissaient les habitants d’Ynys Trebes, et ces passages secrets nous
étaient nécessaires pour fuir.
    Les
envahisseurs avaient maintenant enfoncé la porte principale pour nous isoler de
Culhwch et de ses hommes. Galahad nous conduisit au sommet de la colline ;
de là, on tourna à gauche, empruntant un petit tunnel qui passait sous un
temple, puis on traversa un jardin pour rejoindre un mur jouxtant une citerne à
pluie. À nos pieds, c’était l’horreur. Les Francs victorieux enfonçaient les
portes pour venger les leurs, morts sur le sable. Les épées faisaient taire les
enfants vagissants. Je vis un guerrier franc, un géant au casque cornu,
massacrer à la hache quatre de nos défenseurs, pris au piège. La fumée
s’élevait des maisons. Certes la cité était bâtie en pierre, mais il ne
manquait pas de meubles, de poix à bateau et de toitures en bois pour alimenter
un formidable brasier. En mer, où la marée montante recouvrait les digues de
sable, j’aperçus le casque ailé de Lancelot qui brillait dans l’un des trois
canots de sauvetage, tandis qu’au-dessus de moi, rose dans le soleil couchant,
l’élégant palais attendait ses derniers instants. La brise du soir chassait la
fumée grise et faisait délicatement gonfler un rideau blanc accroché à une
fenêtre du palais ombragé.
    « Par
ici ! cria Galahad en montrant du doigt un sentier. Suivez ce chemin
jusqu’à notre embarcation ! » Nos hommes couraient pour sauver leur
peau. « Viens, Derfel ! » me lança-t-il.
    Mais je ne
bougeai pas. Je fixais la colline escarpée.
    « Viens,
Derfel ! « insista Galahad.
    Mais, dans ma
tête, j’entendais une voix. C’était la voix d’un vieillard : une voix
sèche, sardonique et hostile, dont le ton me clouait sur place.
    « Viens,
Derfel ! » hurla Galahad.
    « Je
remets ma vie entre tes mains », avait dit le vieillard, et soudain il se
remit à parler à l’intérieur de mon crâne : « Je m’en remets à ta
conscience, Derfel de Dumnonie. »
    « Comment
rejoindre le palais ? demandai-je à Galahad.
    — Le
palais ?
    — Comment !
criai-je, exaspéré.
    — Par
ici, par ici ! »
    Nous
grimpâmes.
     
     
    Les bardes
chantent l’amour, célèbrent les carnages, louent les rois et flattent les
reines, mais si j’étais poète j’écrirais un éloge de l’amitié.
    J’ai eu de la
chance en amitié. Arthur fut un ami mais, de tous mes amis, il n’y eut aucun
autre comme Galahad. Tantôt nous nous comprenions sans parler, tantôt les mots
roulaient des heures durant. Nous partagions tout, sauf les femmes. Je ne
saurais compter le nombre de fois où nous nous retrouvâmes épaule contre épaule
dans le mur de boucliers ni le nombre de fois où nous partageâmes nos dernières
provisions. Les hommes nous prenaient pour des frères et c’est bien ainsi que
nous nous considérions.
    Et en cette
soirée de malheur, alors que la ville se consumait lentement, Galahad comprit
que rien ne me ferait rejoindre le bateau qui nous attendait. Il me savait sous
l’empire d’un impératif, d’un message venu des Dieux qui me faisait grimper
vers le palais serein couronnant Ynys Trebes. Tout autour de nous, l’horreur
submergeait la colline, mais nous avions quelques longueurs d’avance, courant
avec l’énergie du désespoir sur le toit d’une église, sautant dans une allée où
nous bousculâmes une foule de réfugiés qui croyaient que l’église leur
offrirait un sanctuaire, puis grimpant une volée d’escaliers pour rejoindre la
grande rue circulaire. Des Francs nous donnaient la chasse, luttant pour être
les premiers au palais de Ban, mais nous étions en tête, accompagnés
d’une  dérisoire poignée  d’habitants qui avaient échappé  au
carnage de la ville basse et qui cherchaient

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