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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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miséricordieusement calme. Elle était
noire et rouge  – le sang et la mort  –, parfait miroir de la cité en
flammes où notre ennemi dansait, tout à son triomphe macabre. Nous ne devions
jamais voir Ynys Trebes reconstruite : les murs tombèrent, le chiendent
poussa, les oiseaux de mer y nichèrent. Les pêcheurs francs évitaient l’île qui
avait vu tant de morts. Ils ne l’appelaient plus Ynys Trebes, mais lui
donnèrent un nouveau nom dans leur langue vulgaire : le Mont de la Mort et
la nuit, disent leurs matelots, lorsque la silhouette de l’île déserte se
détache, toute noire, sur la mer d’obsidienne, on entend encore les sanglots des
femmes et les geignements des enfants.
    Nous
débarquâmes sur une plage déserte, du côté ouest de la baie. Abandonnant
l’embarcation, nous transportâmes le coffre scellé de Merlin à travers les
ajoncs et les épineux courbés par le vent marin jusqu’à la crête de la langue
de terre. La nuit était noire lorsque nous atteignîmes le sommet, et je me
retournai vers Ynys Trebes qui rougeoyait comme des cendres ardentes dans
l’obscurité, puis je continuai mon chemin pour m’acquitter de mon devoir envers
la conscience d’Arthur. Ynys Trebes était morte.
     

*
     
    Nous prîmes un
bateau pour la Bretagne à l’embouchure de ce même fleuve où j’avais autrefois
prié Bel et Manawydan de me ramener sain et sauf au pays. Nous retrouvâmes
Culhwch dans la rivière, son bateau surchargé ensablé. Leanor était vivante, de
même que la plupart de nos hommes. Un navire prêt à partir était resté sur le
fleuve, son maître ayant espéré se remplir les poches en embarquant les
survivants aux abois, mais Culhwch lui mit son épée en travers de la gorge et
l’obligea à nous rapatrier sans bourse délier. Les autres avaient déjà fui
devant les Francs. Nous attendîmes la fin de la nuit, illuminée par le reflet
des flammes d’Ynys Trebes ; au petit matin, nous levâmes l’ancre et fîmes
voile vers le nord.
    Merlin
regardait la côte s’éloigner et moi, osant à peine croire que le vieil homme
nous était revenu, je le regardai fixement. C’était un homme grand et décharné,
peut-être l’homme le plus grand que j’eusse jamais connu, avec ses longs
cheveux blancs rassemblés en une queue de cheval nouée par un ruban noir sous
sa ligne de tonsure. Quand il se faisait passer pour le père Celwin, il
laissait flotter ses cheveux ébouriffés, mais maintenant qu’il avait retrouvé
sa queue de cheval il ressemblait en effet au vieux Merlin. Sa peau avait la
couleur d’un vieux bois poli, ses yeux étaient verts et son nez pointu et
osseux. Sa barbe et ses moustaches étaient tressées en fines cordelettes qu’il
aimait à entortiller autour de ses doigts quand il réfléchissait. Nul ne savait
son âge, mais assurément je n’ai jamais rencontré homme plus chargé d’années,
sauf peut-être le druide Balise, et je n’ai jamais connu homme qui parût aussi
sans âge que Merlin. Il avait encore toutes ses dents  – pas une ne
manquait ! - et il conservait l’agilité d’un jeune homme, même s’il se
plaisait à répéter qu’il était vieux, fragile et sans défense. Tout de noir
vêtu, toujours en noir, sans jamais aucune autre couleur, il portait
habituellement un grand bâton noir, bien que maintenant, fuyant l’Armorique,
cet attribut lui fît défaut.
    L’homme était
imposant, et pas uniquement du fait de sa taille, de sa réputation ou de sa
prestance, mais par sa présence. Comme Arthur, il savait dominer une foule.
Qu’il parte, et une salle comble paraissait vide. Mais alors que la présence
d’Arthur était généreuse et communicative, celle de Merlin était toujours
dérangeante. Quand il vous dévisageait, il semblait capable de lire les secrets
de votre cœur et, pire encore, s’en amuser. Il était malicieux, impatient,
impulsif et d’une sagesse totale, absolue. Rien ne trouvait grâce à ses yeux,
il dénigrait tout le monde et n’aimait sans réserve qu’une poignée de gens.
Arthur en était, Nimue aussi, et moi, je crois, j’étais le troisième, bien que
je n’aie jamais pu en être vraiment sûr, car il aimait à simuler et à donner le
change. « Tu me regardes, Derfel ! me reprocha-t-il depuis la poupe
du navire, où il me tournait pourtant le dos.
    — J’espère
ne plus jamais vous perdre de vue, Seigneur.
    — Petit
sot ! Que tu as l’âme bien tendre. » Il se retourna,

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