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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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est particulièrement scandaleux au sujet de Virgile. C’est
extraordinaire ce que les poètes mettent dans leurs lits ; à commencer par
leurs pareils, cela va de soi. Dommage que l’œuvre ait brûlée, car je n’en ai
jamais vu d’autres. Le rouleau de Ban pourrait bien avoir été la dernière
copie, et il n’est plus que cendres à l’heure qu’il est. Virgile sera soulagé.
Quoi qu’il en soit, le fait est que Suetonius Paulinus voulait savoir tout ce
qu’il y avait à savoir sur notre religion avant d’attaquer Ynys Mon. Il voulait
s’assurer que nous ne le transformerions pas en crapaud ou en poète, alors il
s’est trouvé un traître, Caleddin le druide. Et Caleddin a dicté tout ce qu’il
savait à un scribe romain, qui l’a intégralement recopié dans ce qui m’a tout
l’air d’un latin exécrable. Mais exécrable ou pas, c’est l’unique trace de
notre ancienne religion ; tous ses secrets, tous ses rites, toutes ses
significations et toute sa puissance. La voici, mon enfant. » Il fit un
geste en direction du rouleau, qu’il parvint à faire tomber de la table. Je
récupérai le manuscrit sous la couchette du capitaine.
    « Et moi
qui te prenais pour un chrétien qui essayait de découvrir l’envergure des
anges, fis-je d’un ton amer.
    — Ne sois
pas désobligeant, Derfel ! Tout le monde sait que l’envergure doit varier
en fonction de la taille et du poids de l’ange. » Il déroula à nouveau le
rouleau pour en scruter le contenu. « J’ai cherché partout ce trésor. Même
à Rome ! Et ce pauvre idiot de Ban qui en avait fait le dix-huitième
volume de Silius Italicus. Cela prouve simplement qu’il ne l’a jamais lu, quand
bien même il prétendait qu’il était merveilleux. Reste que je n’imagine pas que
personne l’ait jamais lu en entier. Comment le pourrait-on ? » Il
frémit.
    « Pas
étonnant qu’il vous ait fallu plus de cinq ans pour le trouver, dis-je en
pensant à la foule de ceux à qui il avait manqué pendant ce temps.
    — Sottises.
Je n’ai su l’existence du rouleau qu’il y a un an. Avant, je cherchais d’autres
choses : la Corne de Bran Galed, le Couteau de Laufrodded, la Planche de
Gwenddolau, l’Anneau d’Eluned. Les Trésors de la Bretagne, Derfel... » Il
s’arrêta, jeta un coup d’œil au coffre scellé, puis se retourna vers moi.
« Les trésors sont les clés du pouvoir, Derfel, mais sans les secrets de
ce rouleau, ce ne sont que des objets morts. » Sa voix trahissait une rare
révérence, qui n’avait rien de très surprenant, car les Treize Trésors étaient
les talismans les plus mystérieux et les plus secrets de la Bretagne. Une nuit,
en Benoïc, alors que nous avions grelotté dans l’obscurité en épiant les Francs
au milieu des arbres, Galahad avait ironisé en doutant que les trésors aient pu
survivre aux longues années de domination romaine, mais Merlin avait toujours
prétendu que les anciens druides, face à la défaite, les avaient si bien cachés
qu’aucun Romain ne les trouverait jamais. Il s’était donné pour mission de
retrouver les Treize Talismans ; toute son ambition le portait vers
l’instant fatidique où il pourrait enfin s’en servir. Apparemment, le mode
d’emploi figurait dans le rouleau perdu de Caleddin.
    « Alors,
que nous apprend le rouleau ? demandai-je avidement.
    — Comment
le saurais-je ? Tu ne me laisses pas le temps de le lire. Pourquoi ne pas
te rendre utile ? Épisser un cordage ou je ne sais quoi, ce que font les
marins quand ils ne se noient pas. » Il attendit que je fusse à la porte.
« Oh, encore une chose », ajouta-t-il d’un air distrait.
    Me retournant,
je vis qu’il s’était de nouveau plongé dans les premières lignes du gros
rouleau. « Oui, Seigneur ?
    — Je
tenais simplement à te remercier, Derfel, dit-il avec désinvolture. Merci à
toi. J’ai toujours espéré que tu serais utile un jour. »
    Je pensais à
Ynys Trebes en feu et au roi mort. « J’ai manqué à mes engagements envers
Arthur, dis-je avec amertume.
    — Tout le
monde lui fait faux bond. Arthur attend beaucoup trop. Maintenant,
va ! »
     
    *
     
    J’avais
imaginé que Lancelot et sa mère Elaine feraient voile vers l’ouest, en
direction de Brocéliande, pour rejoindre la masse des réfugiés chassés par les
Francs du royaume de Ban, mais ils avaient fait voile vers le nord, jusqu’en
Bretagne. Jusqu’en Dumnonie.
    Sitôt en
Dumnonie, ils poussèrent

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