Le Roi de l'hiver
Arthur au
bout d’un moment.
— Si
Lancelot montre qu’il sait se battre, je m’inclinerai. Mais je le croyais garde
de ton palais à cette heure ?
— Son vœu
est de commander Durnovarie en attendant que sa blessure de la main soit
refermée. Mais s’il se bat, Derfel, tu le choisiras ?
— S’il se
bat bien, promis-je à contrecœur, oui. » J’étais bien persuadé que je
n’aurais jamais à tenir ma promesse.
« Bien »,
fit Arthur, comme toujours satisfait d’avoir trouvé un terrain d’entente, puis
il se retourna. La porte de l’église s’ouvrit bruyamment avec une rafale de
vent pluvieux. Sansum entra, suivi de deux moines qui portaient des sacs de
cuir. De tout petits sacs de cuir.
Sansum
s’ébroua en traversant l’église au pas de course. « Nous avons cherché,
Seigneur, expliqua-t-il à bout de souffle, nous avons chassé, picoté en haut et
en bas, et nous avons réuni les maigres trésors que possède notre indigente
maison, trésor que nous déposons humblement devant toi, quoique non sans
réticence. » Il hocha tristement la tête. « Du fait de notre
générosité, nous allons avoir faim cette saison, mais lorsque l’épée commande,
les simples serviteurs de Dieu que nous sommes doivent obéir. »
Ses moines
versèrent le contenu des deux sacs sur le dallage. Une pièce roula sur le sol
jusqu’à ce que j’arrête sa course avec mon pied.
« L’or de
l’empereur Hadrien ! » s’exclama Sansum.
Je ramassai la
pièce : un sesterce de cuivre jaune avec la tête de l’empereur Hadrien
d’un côté, une image de Britannia armée de son trident et d’un bouclier de
l’autre. La prenant entre l’index et le pouce, je la pliai en deux et la lançai
à Sansum : « De l’or pour imbécile, évêque ! »
Le reste du
trésor ne valait pas beaucoup mieux : quelques pièces usées, pour
l’essentiel en cuivre et une poignée seulement en argent, quelques barres de
fer dont on se servait couramment comme d’une monnaie, une malheureuse broche
en or et quelques maillons dorés d’une chaîne cassée. Au total, l’équivalent
d’une douzaine de pièces d’or. « C’est tout ? demanda Arthur.
— Nous
donnons aux pauvres, Seigneur ! expliqua Sansum, bien que, si vos besoins
sont pressants, je puisse ajouter ceci. » Il retira de son cou la croix
d’or. La croix massive et sa grosse chaîne valaient facilement quarante ou
cinquante pièces d’or : à contrecœur l’évêque les tendit à Arthur.
« Mon prêt personnel pour votre guerre, Seigneur ? »
Arthur tendit
la main, mais Sansum la retira aussitôt d’un mouvement sec. « Seigneur,
reprit-il, baissant la voix en sorte qu’Arthur seul puisse l’entendre, on m’a
injustement traité l’an passé. Pour le prêt de cette chaîne – il l’agita
de manière à faire cliqueter les maillons –, je demanderais que soit
honorée ma nomination au poste de chapelain personnel du roi Mordred. Ma place
est aux côtés du roi, Seigneur, non pas ici, dans ce marais
pestilentiel. » Avant qu’Arthur ait pu répondre, la porte de l’église
s’ouvrit à nouveau. Trempé jusqu’aux os, Issa s’avança à pas traînants. Sansum
se retourna furieux contre l’intrus. « L’église n’est pas ouverte aux
pèlerins ! aboya l’évêque. Il y a des offices réguliers. Maintenant, dehors !
File ! »
D’un revers de
main, Issa se dégagea le front et s’adressa à moi : « Ils cachent
tous leurs biens à côté de la mare, derrière la grande maison, Seigneur, tout
sous un tas de pierre. Je les ai vus y porter les offrandes du jour. »
Arthur arracha
la lourde chaîne des mains de Sansum. « Tu peux conserver ces autres
trésors, fit-il en montrant du doigt les pouilleries éparpillées sur le sol,
pour nourrir ta misérable maison au cours de l’hiver. Et garde ton
torque : qu’il te rappelle que ton cou est une faveur que je te
fais. » Il se dirigea vers la porte.
« Seigneur !
protesta Sansum. Je te supplie...
— Supplie,
trancha Nimue, retirant son capuchon. Supplie, chien ! » Se
retournant, elle cracha sur le crucifix, puis sur les dalles et, une troisième
fois, sur Sansum. « Supplie, ordure !
— Mon
Dieu ! » L’évêque blêmit à la vue de son ennemie. Il recula en
faisant le signe de la croix sur sa maigre poitrine. L’espace d’un instant, il
parut trop terrorisé pour pouvoir parler. Il avait dû croire Nimue à jamais perdue
sur l’Ile
Weitere Kostenlose Bücher