Le Roi de l'hiver
cher
Seigneur ? Voilà Son Épine Sacrée ! En mémoire des épines qui Lui ont
piqué la tête tandis qu’il souffrait pour nos péchés. » Il fit un geste en
direction de l’arbre penché avec ses petites feuilles tristes. Un groupe de
pèlerins entourant l’arbre avait drapé ses membres pathétiques d’offrandes
votives. Nous voyant, ces pèlerins s’éloignèrent d’un pas traînant, sans
s’apercevoir que le garçon de ferme mal fagoté qui se prosternait avec eux
était l’un de nos hommes. C’était Issa, que j’avais envoyé en éclaireur avec
une modeste offrande de pièces pour le sanctuaire. « Du vin,
peut-être ? nous proposa maintenant Sansum. Et de quoi manger ? Nous
avons du saumon froid, du pain nouveau et même des fraises.
— Vous
vivez bien, Sansum », fît Arthur en promenant ses yeux autour du
sanctuaire. Il avait prospéré depuis la dernière fois que j’avais été à Ynys
Wydryn. L’église de pierre avait été agrandie, deux nouveaux bâtiments ajoutés,
dont un dortoir pour les moines et une maison pour Sansum lui-même. Les deux
bâtisses étaient de pierre, avec des toitures de tuiles reprises de villas
romaines.
Sansum leva
les yeux vers les nuages menaçants. « Nous ne sommes que d’humbles
serviteurs du grand Dieu et notre vie sur terre est entièrement redevable à Sa
grâce et à Sa providence. Votre épouse estimée se porte bien, j’espère ?
— Très
bien, merci.
— Cela
nous réjouit, Seigneur, observa hypocritement Sansum. Et notre roi, il va bien
également ?
— Le
garçon grandit, Sansum.
— Et dans
la vraie foi, j’espère. » Sansum reculait à mesure que nous avancions.
« Alors, Seigneur, que nous vaut votre visite dans notre modeste
établissement ? »
Arthur sourit.
« Le besoin, l’évêque, le besoin.
— De
grâce spirituelle ? demanda Sansum.
— D’argent. »
Sansum leva
les mains. « Un homme à la recherche de poisson grimperait-il au sommet
d’une montagne ? Un homme mourant de soif irait-il dans le désert ?
Pourquoi venir chez nous, Seigneur Arthur ? Nous autres, frères, avons
fait vœu de pauvreté et les maigres miettes que le cher Seigneur veut bien
laisser tomber sur nos genoux, nous les donnons aux pauvres. » Il joignit
les mains avec élégance.
« Alors
je suis venu, cher Sansum, déclara Arthur, pour m’assurer que tu respectes tes
vœux de pauvreté. On s’enfonce dans la guerre, on a besoin d’argent, le trésor
est vide et tu auras l’honneur de consentir à ton roi un prêt. » Nimue,
qui maintenant traînait humblement les pieds derrière nous comme une servante
encapuchonnée, avait rappelé à Sansum la richesse de l’Église. Comme elle
devait se réjouir de la gêne de Sansum !
« L’Église
avait été exemptée de ces prêts forcés. » Sansum répliqua vertement en
accentuant le dernier mot avec un mépris particulier. « Le Grand Roi
Uther, que son âme repose en paix, avait dispensé l’Église de telles exactions,
de même que les sanctuaires païens – il se signa – sont
honteusement et scandaleusement exemptés !
— Le
Conseil du roi Mordred, répondit Arthur, a abrogé l’exemption et ton
sanctuaire, évêque, est connu pour être le plus riche de Dumnonie. »
Sansum leva de
nouveau les yeux au ciel. « Si nous possédions ne serait-ce qu’une pièce
d’or, Seigneur, je me ferais un plaisir de te l’offrir en cadeau. Mais nous
sommes pauvres. Il te faut chercher ton prêt sur la colline. » Il fit un
geste en direction du Tor. « Là-bas, Seigneur, cela fait des siècles que
les païens amassent l’or des infidèles !
— Le Tor,
coupai-je sèchement, a été mis à sac quand Norwenna a été tuée. Le peu d’or qui
s’y trouvait, et il n’y en avait pas beaucoup, a été volé. »
Sansum fit
comme s’il venait de remarquer ma présence. « C’est Derfel, n’est-ce
pas ? Je me disais bien. Bienvenue, Derfel !
— Seigneur
Derfel », corrigea Arthur.
Sansum écarquilla
ses petits yeux. « Loue Dieu ! Loué soit-Il ! Tu t’élèves dans
le monde, Seigneur Derfel, et quelle satisfaction cela procure à l’humble
ecclésiastique que je suis, qui pourra maintenant se vanter de t’avoir connu
quand tu n’étais qu’un simple lancier. Un seigneur maintenant ? Quel
bonheur ! Et quel honneur nous fait ta présence ! Mais tu sais
toi-même, mon cher Seigneur Derfel, que lorsque le roi Gundleus a pillé le Tor
il a
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