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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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être Grand Roi, ce qui veut dire qu’il n’a certainement pas envie d’avoir
pour rival l’héritier de l’ancien Grand Roi. En outre, crois-tu que les druides
de Gorfyddyd laisseront vivre un roi estropié ? Si tu pars, Seigneur, les
jours de Mordred sont comptés. »
    Arthur ne
répondit point. Assis, les mains posées sur les bords de la table, la tête
baissée, il gardait les yeux rivés sur le sol. Il savait que j’avais raison, de
même qu’il savait qu’il était seul, de tous les seigneurs de Bretagne, à se battre
pour Mordred. Les autres voulaient mettre leur homme à eux sur le trône de la
Dumnonie, tandis que Guenièvre voulait qu’Arthur lui-même s’y installât. Il
leva les yeux vers moi. « Guenièvre...
    — Oui »,
le coupai-je tristement. J’avais cru qu’il faisait allusion à l’ambition
qu’avait Guenièvre de le porter sur le trône de la Dumnonie, mais il pensait à
tout autre chose.
    Il sauta de la
table et se mit à faire les cent pas. « Je comprends tes sentiments envers
Lancelot, fit-il, me prenant par surprise, mais réfléchis un peu, Derfel.
Imagine que Benoïc ait été ton royaume et imagine que tu aies cru que je le
sauverais, parce que j’en avais fait le serment, et que j’aie manqué à mes
engagements. Ne serais-tu point amer ? Cela ne te rendrait-il pas méfiant ?
Le roi Lancelot a terriblement souffert, et par ma faute ! Par la
mienne ! Et je tiens, si je le puis, à compenser ses pertes. Je ne puis
reprendre Benoïc, mais je peux, peut-être, lui donner un autre royaume.
    — Lequel ? »
    Il eut un
sourire malicieux. Il avait tout échafaudé dans sa tête et il prenait un
plaisir immense à me révéler ses plans. « La Silurie. Supposons que nous
puissions vaincre Gorfyddyd et, avec lui, Gundleus. Gundleus n’a aucun
héritier, Derfel ; donc si nous parvenons à le tuer, le trône est vacant.
Nous avons un roi sans trône, ils ont un trône sans roi. Mieux, nous avons un
roi à marier ! Offrons Lancelot en mariage à Ceinwyn et Gorfyddyd fera de
sa fille une reine, et nous aurons notre ami sur le trône silurien. Paix,
Derfel ! » Il s’exprimait avec son enthousiasme d’autrefois,
échafaudant en paroles une merveilleuse vision. « Une union ! Le
mariage que je n’ai pas contracté, mais maintenant nous pouvons y arriver.
Lancelot et Ceinwyn ! Et pour y parvenir, il nous suffit de tuer un homme.
Juste un ! »
    Et tant
d’autres, qui avaient besoin de mourir dans la bataille, pensai-je, mais je
m’abstins. Quelque part dans le nord, retentit un roulement de tonnerre. Le
Dieu Taranis ne nous oubliait pas : pourvu qu’il soit de notre côté. Le
ciel que l’on apercevait à travers les fenestrons était noir comme la nuit.
    « Eh
bien ? » insista Arthur.
    Je n’avais pas
desserré les lèvres parce que l’idée que Lancelot épouse Ceinwyn m’était si
amère que je ne me fiais guère à ma réaction, mais je m’obligeai maintenant à
paraître civil. « Il nous faut d’abord soudoyer les Saxons et vaincre
Gorfyddyd, répondis-je avec aigreur.
    — Mais si
nous y arrivons ? » reprit-il avec impatience, comme si mes
objections n’étaient que des obstacles insignifiants.
    Je me contentai
de hausser les épaules, de l’air de dire que cette idée de mariage dépassait de
beaucoup ma compétence.
    « L’idée
plaît à Lancelot, reprit Arthur, et à sa mère également. Guenièvre l’approuve aussi,
mais c’est bien normal puisque c’est elle la première qui a songé à marier
Ceinwyn et Lancelot. C’est une fille intelligente. Très intelligente. »
Comme il le faisait toujours en pensant à son épouse, il souriait.
    « Mais
même ton épouse intelligente, Seigneur, osai-je répliquer, ne saurait donner
des ordres aux adeptes de Mithra. »
    Il eut un
brusque mouvement de tête comme si je l’avais frappé. « Mithra !
fit-il avec colère. Pourquoi Lancelot ne pourrait-il en être ?
    — Parce
que c’est un poltron, grognai-je, incapable de dissimuler mon aigreur plus
longtemps.
    — Bors
dit que non, de même qu’une dizaine d’autres hommes.
    — Demande
à Galahad ou à ton cousin Culhwch. » La pluie se mit soudain à crépiter
sur le toit et, un instant plus tard, à goutter des rebords des fenêtres. Nimue
avait reparu par la petite porte cintrée, à côté de la table de pierre, où elle
rabattit son capuchon.
    « Si
Lancelot fait ses preuves, te laisseras-tu fléchir ? me demanda

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