Le Roi de l'hiver
des Morts, mais elle était ici, crachant d’un air triomphant. Il se
signa une troisième fois puis se tourna vers Arthur : « Tu oses faire
entrer une sorcière dans la maison de Dieu ! Sacrilège ! Oh, doux
Jésus ! » Il se laissa tomber à genoux, le regard perdu dans les
combles. « Lance les feux du ciel ! Lance ! »
Arthur fit
comme si de rien n’était et sortit sous la pluie battante qui crottait les
malheureux rubans votifs accrochés à la Sainte Épine. « Fais entrer les
autres lanciers », ordonna-t-il à Issa. Mes hommes attendaient dehors, au
cas où Sansum aurait tenté de planquer ses trésors hors de l’enceinte, mais ils
entrèrent maintenant pour refouler les moines forcenés de l’amas de cailloux
qui dissimulait leur trésor secret. Quelques moines tombèrent à genoux en
voyant Nimue. Ils savaient qui elle était.
Sansum sortit
précipitamment de l’église et se jeta sur les cailloux, déclarant sur un ton
pathétique qu’il allait faire le sacrifice de sa vie pour défendre l’argent de
Dieu. Arthur hocha tristement la tête. « Es-tu sûr de ce sacrifice,
Seigneur Évêque ?
— Doux
Jésus ! beugla Sansum. Voici ton serviteur, massacré par des méchants et
leur ignoble sorcière ! Je n’ai fait qu’obéir à Ta parole. Accueille-moi,
Seigneur ! Reçois Ton humble serviteur ! » Suivit un hurlement,
car il attendait sa mort, au lieu de quoi Issa le saisit au collet et par le
fond de sa culotte pour le porter délicatement du tas de pierres jusqu’à
l’étang, où il le laissa choir dans l’eau boueuse et peu profonde. « Je me
noie, Seigneur ! hurla Sansum. Jeté dans les eaux déchaînées comme Jonas
dans l’océan ! Un martyr du Christ ! Comme Paul et Pierre ont
souffert le martyre, Seigneur, me voici ! » Il lâcha quelques bulles
et, voyant que personne, auprès de son Dieu, n’y prêtait attention, il
s’extirpa lentement des lenticules crottées pour cracher des insultes à mes
hommes qui retiraient impatiemment les cailloux.
Sous le
monticule, des planches de bois recouvraient une citerne de pierre bourrée de
sacs de cuir, et dans les sacs il y avait de l’or : de bonnes pièces d’or,
des chaînes en or, des statues en or, des torques d’or, des broches, des
bracelets, des épingles. L’or apporté ici par des centaines de pèlerins
recherchant la bénédiction de l’Épine, qu’Arthur pria maintenant un moine de
compter et de peser afin de délivrer au monastère un reçu en bonne et due
forme. Il laissa mes hommes surveiller les comptes et entraîna un Sansum rageur
et trempé vers la Sainte Épine. « Tu dois apprendre à faire pousser les
épineux avant de te mêler des affaires des rois, mon Seigneur Evêque. Tu ne
redeviendras pas l’aumônier du roi, mais tu resteras ici pour apprendre
l’agriculture. »
J’y allai à
mon tour de mes conseils : « Le prochain arbre, paille-le. Laisse les
racines dans l’eau le temps qu’il prenne. Et ne transplante jamais un arbre en
fleur, évêque, ils n’aiment pas ça. Tous les problèmes de tes derniers arbustes
viennent de là. Tu les as déterrés des bois au mauvais moment. Va les chercher
en hiver et creuse-leur un bon trou avec de la paille et du fumier. Tu pourrais
faire un vrai miracle !
— Pardonne-leur,
Seigneur ! » Sansum tomba à genoux, levant les yeux vers les cieux
humides.
Arthur voulut
visiter le Tor, mais il commença par aller sur la tombe de Norwenna, devenue pour
les chrétiens un lieu de vénération. « Elle a été une femme maltraitée, me
dit-il.
— Toutes
les femmes le sont, observa Nimue qui nous avait suivis jusqu’à la tombe, tout
près de la Sainte Épine.
— Non,
protesta Arthur. Peut-être que la plupart des gens le sont, mais pas toutes les
femmes, pas plus que tous les hommes. Mais cette femme l’a été et elle attend
encore que nous la vengions.
— Tu en
as eu l’occasion, l’accusa Nimue avec hargne, et tu as laissé vivre Gundleus.
— Parce
que j’espérais la paix, mais la prochaine fois il mourra.
— Ta
femme, ajouta Nimue, me l’a promis. »
Arthur frémit,
sachant quelle cruauté se cachait derrière le désir de Nimue, mais il consentit
d’un signe de tête : « Je te le promets, il est à toi. » Il fit
demi-tour et, sous une pluie battante, nous entraîna au sommet du Tor. Nimue et
moi rentrions chez nous, Arthur allait voir Morgane.
Il embrassa sa
sœur dans la salle. Le masque d’or
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