Le Roi de l'hiver
lance. Nous avons des champions ! » Les vivats commencèrent.
« Nous savons tuer les chats ! Et nous savons aussi les
écorcher ! Mais... » Les vivats avaient à peine recommencé qu’ils
cessèrent à ce mot. « Mais, poursuivit Arthur, pas si nous attendons ici
d’être attaqués. Attendons ici derrière les murs de Magnis et que se
passe-t-il ? L’ennemi marchera pour nous encercler. Nos foyers, nos
femmes, nos enfants, nos terres, nos troupeaux et notre nouvelle moisson, tout
sera leur, et nous serons comme des souris prises au piège. Nous devons les
attaquer et attaquer bientôt. »
Agricola
attendit que les vivats dumnoniens s’arrêtent. « Attaquer où ?
demanda-t-il avec aigreur.
— Où ils
s’y attendent le moins, Seigneur, dans leur bastion. Lugg Vale. En haut de la
croix ! Droit au cœur ! » Il tendit la main pour prévenir tous
nouveaux hourras. « Le val est étroit, impossible de déborder un mur de
boucliers. La voie traverse la rivière à gué au nord de la vallée. » Il
fronçait les sourcils tout en parlant, tâchant de se rappeler un endroit qu’il
n’avait vu qu’une fois dans sa vie, mais Arthur avait une mémoire de soldat, et
il lui suffisait d’avoir vu un endroit une seule fois. « Il nous faudrait
poster des hommes sur la colline ouest pour empêcher leurs archers de faire
pleuvoir des flèches, mais une fois dans la vallée, je le jure, plus rien ne pourra
nous en déloger. »
Agricola fit
des objections. « Nous pouvons tenir là-bas, admit-il, mais comment y
arriver ? Ils y ont deux cents lanciers, peut-être plus, mais une centaine
d’hommes suffit à tenir cette vallée toute une journée. Le temps que nous
rejoignions le bout de la vallée, Gorfyddyd aura fait descendre sa horde de
Branogenium. Pire, les Irlandais Blackshields postés sur la colline de Coel
peuvent marcher au sud et prendre nos arrières. Sans doute ne pourrait-on nous
déloger, Seigneur, mais nous nous ferions tuer sur place.
— Les
Irlandais de Coel ne comptent pas », répondit Arthur nonchalamment. Tout
excité, il ne tenait pas en place ; il se mit à arpenter le dais,
expliquant et séduisant à la fois. « Pensez, je vous prie. Seigneur Roi
– il s’adressait à Tewdric –, à ce qui arrivera si nous restons
ici. L’ennemi viendra, nous nous replierons derrière des murs imprenables et
ils pilleront nos terres. Au milieu de l’hiver nous serons en vie, mais y
aura-t-il encore âme qui vive au Gwent et en Dumnonie ? Non. Ces collines,
au sud de Branogenium, sont les murs de Gorfyddyd. Si nous ouvrons une brèche
dans ces murs, il doit nous combattre et s’il combat à Lugg Vale il est un
homme battu.
— Ses
deux cents hommes de Lugg Vale nous arrêteront, insista Agricola.
— Ils se
dissiperont comme la brume ! assura Arthur avec aplomb. Ils sont deux
cents qui n’ont jamais affronté de cheval caparaçonné. »
Agricola
secoua la tête. « Le val est barré par un mur d’arbres abattus. Les
chevaux caparaçonnés seront arrêtés – il s’arrêta pour frapper du poing
contre sa paume tendue – morts. » Il dit ce dernier mot d’un ton
sec, d’un ton si définitif qu’Arthur se rassit. L’odeur de la défaite flottait
dans la salle. De l’extérieur, où les forgerons travaillaient jour et nuit, j’entendis
le sifflement d’une lame nouvellement forgée refroidie dans l’eau.
« Peut-être
me serait-il permis de prendre la parole ? » C’était Meurig, le fils
de Tewdric. Il avait une voix étrangement haute, qui trahissait presque
l’irritation, et il était manifestement myope car il serrait les yeux et
relevait la tête chaque fois qu’il voulait regarder quelqu’un dans la salle.
« Ce que j’aimerais demander, dit-il lorsque son père l’eut autorisé à
s’adresser au conseil, c’est pourquoi nous battons-nous ? » Ses
paupières battaient rapidement pendant qu’il posait sa question.
Personne ne
répondit, tant la question nous déconcertait.
« Laissez-moi,
permettez, souffrez que je m’explique », reprit Meurig d’un ton pédant. Certes
il était jeune, mais son assurance était celle d’un prince, même si je
m’irritais de la fausse modestie dont il enrobait ses déclarations. « Nous
combattons Gorfyddyd – corrigez-moi si je me trompe – en vertu de
notre vieille alliance avec la Dumnonie. Cette alliance nous a bien servis, je
n’en doute pas, mais Gorfyddyd, si je comprends bien,
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