Le Roi de l'hiver
n’a aucune visée sur le
trône dumnonien. »
Des
grognements se firent entendre de notre côté, mais Arthur imposa le silence
d’un geste de la main, puis invita Meurig à continuer. Meurig cilla et tira sur
sa croix. « Je me demande simplement pourquoi nous combattons. Si je puis
ainsi m’exprimer, quel est notre casus belli ?
— La
cause du bélier ? ! « cria Culhwch. Il m’avait vu arriver et
avait traversé la salle pour m’accueillir. Il approcha alors la bouche de mon
oreille. « Ces bougres ont des boucliers bien légers, et ils cherchent une
échappatoire. »
Arthur se
releva et s’adressa d’un ton courtois à Meurig. « La cause de la guerre,
Seigneur Prince, est que ton père a prêté serment de défendre le trône du roi
Mordred, et que le roi Gorfyddyd complote manifestement de priver mon roi de ce
trône. »
Meurig haussa
les épaules. « Mais – corrige-moi, je t’en prie – si je
comprends bien la situation, Gorfyddyd ne cherche pas à détrôner le roi
Mordred.
— Tu sais
ça ? cria Culhwch.
— Il y a
des signes, répondit Meurig avec irritation.
— Les
salauds ont parlé à l’ennemi, chuchota Culhwch à mon oreille. Jamais eu un
couteau dans le dos, Derfel ? En voilà un pour Arthur ! »
Arthur garda
son calme. « Quels signes ? » demanda-t-il avec douceur.
Le roi Tewdric
avait gardé le silence pendant que son fils parlait, preuve qu’il avait donné à
Meurig la permission de suggérer, fût-ce en y mettant les formes, qu’il aurait
fallu apaiser Gorfyddyd plutôt que l’affronter, mais maintenant, en vieil homme
fatigué, il prit les rênes en mains. « Il n’est point de signes, Seigneur,
sur lesquels je fonderais ma stratégie. Néanmoins – et Tewdric prononça
ce mot avec tant d’insistance que nous savions tous qu’Arthur avait perdu la
partie –, néanmoins, Seigneur, je suis convaincu qu’il ne nous servirait
à rien de provoquer le Powys sans nécessité. Voyons voir si nous ne pouvons
obtenir la paix. » Il s’arrêta, presque comme s’il redoutait que le mot ne
mît Arthur en fureur, mais Arthur se tut. Tewdric soupira. « Gorfyddyd se
bat, fit-il lentement et prudemment, à cause d’un affront fait à sa
famille. » De nouveau il s’arrêta, craignant de froisser Arthur par son
franc-parler, mais Arthur n’était point homme à fuir ses responsabilités et,
d’un mouvement de la tête, il approuva à contrecœur la franchise de Tewdric.
« Tandis que nous, nous nous battons pour respecter le serment que nous
avons prêté au Grand Roi Uther. Un serment par lequel nous avons juré de
préserver le trône de Mordred. Pour ma part, je ne romprai pas ce serment.
— Ni
moi ! fit Arthur d’une voix forte.
— Mais
alors, Seigneur Arthur, si le roi Gorfyddyd n’a aucun dessein sur ce
trône ? demanda le roi Tewdric. S’il entend conserver Mordred comme roi,
pourquoi nous battons-nous ? »
La salle était
en effervescence. Nous autres, Dumnoniens, sentions l’odeur de la trahison, les
hommes de Gwent flairaient un moyen d’échapper à la guerre, et les cris
fusèrent de part et d’autre un moment puis, enfin, Arthur rétablit l’ordre en
claquant de la main sur la table. « Le dernier émissaire que j’ai adressé
à Gorfyddyd, expliqua-t-il, m’est revenu la tête coupée dans un sac.
Suggérez-vous, Sire, d’en envoyer un autre ? »
Tewdric secoua
la tête. « Gorfyddyd refuse de recevoir mes émissaires. Ils sont refoulés
à la frontière. Mais si nous attendons ici et laissons son armée s’épuiser
contre nos murs, je crois qu’il finira par se décourager et par
négocier. » Un murmure d’approbation parcourut les rangs de ses hommes.
Arthur tenta
une fois de plus de dissuader Tewdric. Il brossa un tableau de nos armées
enracinées derrière les murs pendant que la horde de Gorfyddyd ravageait les
fermes où l’on venait de rentrer la moisson, mais ses talents d’orateur et sa
fougue laissèrent de marbre les hommes du Gwent. Ils ne voyaient que murs de
boucliers débordés et champs de cadavres, et ils s’empressèrent donc de faire
leur la conviction de leur roi, à savoir que la paix viendrait si seulement ils
se repliaient sur Magnis et laissaient Gorfyddyd épuiser ses hommes contre ces
murailles. Ils se mirent à prier Arthur d’avaliser leur stratégie et, sur son
visage, je vis qu’il était blessé. Il avait perdu. S’il attendait ici,
Gorfyddyd exigerait sa
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