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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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des
étrangers et des idées étrangères ; même les chrétiens tendirent
l’oreille.
    Je n’attendis
pas l’aube pour attaquer. Lorsque le ciel gorgé de pluie laissa filtrer les
premiers vagues rais de lumière aciéreuse, je réveillai les dormeurs et
conduisis mes cinquante hommes à l’orée du bois. On attendit là, au-dessus
d’une pente herbue qui dominait le lit de la vallée, aussi raide que les flancs
du Tor d’Ynys Wydryn. Mon bouclier sanglé à mon bras gauche, Hywelbane à ma
hanche, je serrai ma lourde lance de ma main droite. Un léger brouillard
flottait à l’endroit où la rivière quittait la vallée. Une chouette effraie
volait juste au-dessus des arbres, et mes hommes y virent un mauvais présage,
mais un chat sauvage grogna derrière nous et Nimue assura que sa présence
annulait la sinistre apparition de la chouette. J’adressai une prière à Mithra,
donnant les prochaines heures à Sa gloire, puis je dis à mes hommes que les Francs
avaient été de bien plus farouches ennemis que ces Powysiens hébétés que l’on
devinait dans la vallée en contrebas. Je doutais que ce fût l’exacte vérité,
mais les hommes qui sont sur le point de se battre ont moins besoin de véracité
que de confiance. J’avais discrètement ordonné à Issa et à un autre homme de
rester auprès de Nimue, car si elle mourait l’assurance de mes hommes se
dissiperait comme brume en été.
    La pluie
crachait derrière nous, rendant glissantes les pentes herbues. Le ciel,
au-dessus de la vallée, continuait à se dégager, laissant déjà paraître les
premières ombres entre les nuages fuyants. Le monde était gris et noir :
dans le val lui-même, il faisait nuit noire, mais l’orée du bois était plus
claire, contraste qui me fit craindre que l’ennemi ne pût nous apercevoir quand
nous ne le voyions pas. Leurs feux flambaient encore, mais beaucoup plus
faiblement qu’au cœur de cette nuit de ténèbres hantée par les esprits. Je ne
voyais aucune sentinelle. Il était temps d’y aller.
    « Lentement ! »
ordonnai-je à mes hommes. J’avais imaginé une folle cavalcade jusqu’au pied de
la colline, mais je me ravisai. L’herbe mouillée était traîtresse et mieux
valait, décidai-je, ramper lentement et en silence jusqu’en bas de la pente,
comme des spectres au petit matin. J’ouvris la voie, toujours plus prudent à
mesure que la pente se faisait plus raide. Les bottes cloutées elles-mêmes
n’avaient guère de prise sur le sol gorgé d’eau et nous avancions à pattes de
velours comme un chat, sans troubler la pénombre d’aucun bruit autre que celui
de notre respiration. Nos lances nous servaient de bâtons. Par deux fois, des
hommes chutèrent lourdement, leurs boucliers heurtant des fourreaux ou des
lances et, à chaque fois, nous restâmes cloués sur place, attendant des sommations.
Rien ne vint.
    La dernière
section de la pente était la plus raide, mais du haut de cette dernière côte
nous apercevions enfin le lit de la vallée dans sa totalité. Au loin, la
rivière s’écoulait comme une ombre noire ; au-dessous de nous, la Voie
romaine passait entre un groupe de chaumières où l’ennemi devait s’abriter. Je
ne voyais que quatre hommes : deux blottis près des feux, un troisième
assis sous les égouts d’une cabane, tandis qu’un quatrième faisait les cent pas
derrière la barricade. À l’est, le ciel pâlissait. Bientôt les premiers éclats
de l’aube : il était temps de lancer au carnage mes lanciers à queue de
loup. « Les Dieux soient notre mur de boucliers, leur dis-je, et tuez
bien ! »
    Nous dévalâmes
les derniers mètres de pente. Quelques hommes se laissèrent glisser sur le
postérieur plutôt que d’essayer de garder l’équilibre, d’autres coururent bille
en tête et moi, parce que j’étais leur chef, je courus avec eux. La peur nous
donna des ailes et nous fit hurler. Nous étions les loups de Benoïc venus
hanter les collines frontalières du Powys pour offrir la mort et, soudain,
comme toujours dans la bataille, l’exaltation triompha. La joie inonda nos
cœurs, effaçant toute retenue, toute trace de réflexion et de pudeur pour ne
laisser subsister que le sauvage éblouissement du combat. Je franchis les
derniers mètres d’un bond, trébuchai parmi les framboisiers, renversai une
seille vide : c’est alors que je vis le premier homme alarmé sortir d’une
cabane voisine. Vêtu d’un pantalon et d’un justaucorps,

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