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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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cheminée et s’agitaient maintenant sur les
chevrons. « Parfois, reprit-elle, je me dis que j’aimerais me marier,
avoir des enfants, les voir pousser, vieillir moi-même, mourir, mais de toutes
ces choses, Derfel  – elle se retourna vers moi  –, je ne connaîtrai
que la dernière. Je ne supporte pas de songer à ce qu’il adviendra de moi.
L’idée que je doive souffrir les Trois Blessures de la Sagesse m’est
insupportable, mais je le dois. Je le dois !
    — Les
Trois Blessures ? » Je n’en avais encore jamais entendu parler.
    « La
Blessure du Corps, expliqua Nimue, la Blessure de l’Orgueil et, ajouta-t-elle,
en se passant la main entre les jambes, la Blessure de l’Esprit, qui est
folie. » Elle se tut un instant tandis qu’un frisson d’horreur parcourut
son visage. « Merlin les a souffertes toutes les trois : voilà
pourquoi il est si sage. Ce que Morgane a souffert dans sa chair passe
l’imagination, mais jamais elle n’a souffert les deux autres blessures, et
c’est pourquoi jamais elle n’appartiendra vraiment aux Dieux. Je n’en ai encore
souffert aucune, mais ça viendra. Je le dois ! » Elle parlait avec
ardeur. « Je le dois parce que j’ai été choisie.
    — Pourquoi
n’ai-je pas été choisi, moi ?
    — Tu ne
comprends pas, Derfel, dit-elle en hochant la tête. Personne ne m’a choisie, sauf
moi. C’est à chacun qu’il appartient de choisir. Cela pourrait nous arriver à
tous, ici. Voilà pourquoi Merlin recueille les enfants abandonnés, parce qu’il
croit que les orphelins pourraient avoir des dons particuliers, mais fort peu
en ont.
    — Et toi
tu en as ? !
    — Je vois
les Dieux partout, dit simplement Nimue. Ils me voient.
    — Je n’ai
jamais vu un Dieu, dis-je, têtu.
    — Tu en
verras, promit-elle en souriant de ma rancœur, parce que tu dois penser à la
Bretagne, Derfel, comme si elle était parée de rubans de brume de plus en plus
fins. De simples fils ténus, ici ou là, qui dérivent et s’estompent, mais ces
fils, ce sont les Dieux, et si nous parvenons à les trouver et à leur plaire,
si nous leur rendons cette terre, alors les fils s’épaissiront et se rejoindront
pour former une grande et merveilleuse brume qui recouvrera tout le pays et
nous protégera de l’extérieur. Voilà pourquoi nous vivons ici, sur le Tor.
Merlin sait que cet endroit agrée aux Dieux : la brume sacrée y est
épaisse, mais il nous appartient de la propager.
    — Est-ce
ce que fait Merlin ?
    — À ce
moment précis, Derfel, répondit-elle dans un sourire, Merlin dort. Et je dois
dormir, moi aussi. N’as-tu point de travail qui t’attend ?
    — Des
loyers à compter », dis-je d’un ton embarrassé. Les entrepôts du bas
regorgeaient de poissons et d’anguilles fumées, de pots de sel, de paniers
d’osier, de tissus, de saumons de plomb, de bassines de charbon de bois et même
de rares fragments d’ambre et de jais : les loyers d’hiver payables à
Beltain, qu’Hywel devait évaluer, enregistrer sur les tailles, puis diviser
 – d’un côté la part de Merlin, de l’autre la portion qui revenait aux
collecteurs d’impôts du Grand Roi.
    « Alors
va compter », dit Nimue, comme s’il ne s’était rien passé d’étrange entre
nous, bien qu’elle se penchât vers moi pour me gratifier d’un baiser fraternel.
« Va ! » Je sortis d’un pas chancelant de la chambre de Merlin
sous les regards rancuniers et curieux des serviteurs de Norwenna qui étaient
rentrés dans la grande salle.
    Vint l’équinoxe.
Les chrétiens célébrèrent la mort de leur Dieu tandis que nous allumions les
immenses brasiers de Beltain. Nos flammes se déchaînaient dans les ténèbres
pour apporter une vie nouvelle au monde qui se réveillait. À l’est, on aperçut
au loin les premiers pillards saxons, mais personne n’approcha d’Ynys Wydryn.
On ne devait plus revoir non plus le roi Gundleus de Silurie. Gudovan, le
clerc, supposait que la proposition de mariage n’avait pas abouti et, d’un ton
lugubre, prédit une nouvelle guerre contre les royaumes du Nord.
    Merlin ne
revint pas, et nous ne reçûmes aucune nouvelle de lui.
    L’Edling
Mordred eut ses premières dents de lait. Les premières à percer furent celles
de la mâchoire inférieure, ce qui augurait bien d’une longue vie, et Mordred profita
de ses nouvelles dents pour mordre jusqu’au sang les tétons de Ralla, qui
continua cependant à l’allaiter afin que son bébé dodu

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