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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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majestueux. Aucun sourire n’éclairait son visage
sombre, aucune étincelle de joie dans ses yeux caves, juste un regard de colère
noire qui me fit m’agenouiller et courber la tête alors qu’il se rapprochait.
Sagramor fit de même et, bientôt, c’est toute notre bande meurtrie de lanciers
qui se retrouva aux genoux du druide.
    Brandissant
son bâton noir, il commença par toucher les épaules de Sagramor puis les
miennes. « Debout ! » ordonna-t-il d’une voix rauque avant de se
tourner vers l’ennemi. Il retira son bras des épaules de Nimue et, tenant son
bâton à deux mains, le tendit au-dessus de son crâne tonsuré. Fixant l’armée de
Gorfyddyd, il abaissa lentement son bâton et son visage allongé, vénérable et
courroucé, respirait une telle autorité, son geste était si lent et si sûr que
tous les ennemis fléchirent le genou devant lui. Seuls demeurèrent debout les
deux druides tandis que quelques cavaliers restaient en selle.
    « Depuis
sept ans, commença Merlin d’une voix qui retentit clairement jusqu’au cœur de
la vallée, en sorte que même Arthur et ses hommes purent l’entendre, depuis
sept ans je recherche la Sagesse de la Bretagne. Depuis sept ans je cherche la
puissance de  nos  ancêtres ;  que  nous 
avons  abandonnée  lorsque  les Romains sont venus. Que je
cherche les choses qui rendront cette terre à ses Dieux légitimes, à ses Dieux,
à nos Dieux, aux Dieux qui nous ont faits et que l’on peut persuader de revenir
nous aider. » Il s’exprimait lentement et simplement, afin que chacun pût
l’entendre et le comprendre. « Maintenant, poursuivit-il, j’ai besoin
d’aide. J’ai besoin d’épées, de lances, d’hommes impavides qui m’accompagnent
en pays ennemi pour trouver le dernier Trésor de la Bretagne. Je cherche le
Chaudron de Clyddno Eiddyn. Le  Chaudron est notre puissance, notre
puissance perdue, notre dernier espoir de refaire une fois encore de la
Bretagne l’île des Dieux. Je n’ai que des épreuves  à vous promettre,
d’autre récompense que la mort à vous offrir. Vous n’aurez qu’amertume à vous
mettre sous la dent, qu’humiliation pour vous désaltérer, mais en retour je
vous demande vos épées et vos vies. Qui viendra avec moi chercher le
Chaudron ? »
    Il posa la
question de manière abrupte. Nous avions imaginé qu’il parlerait de ce gigantesque
bain de sang qui avait rougi les prairies, mais il avait fait comme si tout
cela était sans importance, presque comme s’il ne s’était pas aperçu qu’il
s’était égaré sur un champ de bataille.
    « Qui ?
    — Seigneur
Merlin ! » cria Gorfyddyd sans laisser à quiconque le temps de
répondre. Le roi ennemi se fraya un chemin à travers les rangs de ses lanciers
agenouillés. « Seigneur Merlin ! » Sa voix trahissait la colère
et son visage l’aigreur.
    « Gorfyddyd.
    — Ta
quête du Chaudron peut attendre une petite heure ? demanda le roi d’un ton
sarcastique.
    — Elle
peut attendre une année, Gorfyddyd ap Cadell. Elle peut attendre cinq ans. Elle
peut attendre éternellement, mais il ne le faut pas. »
    Gorfyddyd
conduisit son cheval entre les murs de boucliers. Sa grande victoire se
trouvait compromise et un druide menaçait sa prétention à devenir Grand Roi. Il
tourna sa monture vers ses hommes, releva les joues de son casque ailé et
haussa la voix. « Le temps viendra de placer vos lances au service de la
quête du Chaudron, lança-t-il à ses hommes, mais uniquement après que vous
aurez puni le coureur de la gueuse et plongé vos lances dans l’âme de ses
hommes. J’ai un serment à honorer et je ne laisserai aucun homme, pas même mon
seigneur Merlin, m’en détourner. Il ne saurait y avoir de paix, ni de Chaudron,
tant que vivra l’amant de la putain. » Il se retourna vers le magicien.
« Tu sauverais l’amant de la gueuse par cet appel ?
    — Il me
serait bien égal, Gorfyddyd ap Cadell, que la terre s’ouvre et engloutisse
Arthur et son armée. Et la tienne, par la même occasion !
    — Alors
battons-nous ! cria Gorfyddyd, se servant de son seul bras pour libérer
son épée de son fourreau. Ces hommes  – il s’adressait à ses troupes mais
pointait son bras vers nos bannières  – sont à vous. Leurs terres, leurs
troupeaux, leur or et leurs maisons sont vôtres. Leurs femmes et leurs filles
sont maintenant vos putains. Vous les avez combattus jusqu’ici, les
laisseriez-vous filer maintenant ?

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