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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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chose, à
ceci près que l’action transforme l’une en l’autre. Mais, en cet après-midi
d’été, je me retrouvai subitement détendu. Puissent Dieu et ses anges me
pardonner, mais je découvris ce jour-là la joie de la bataille ; longtemps
après, je devais m’en souvenir avec envie, comme un homme assoiffé cherche
l’eau. Je bondis, hurlant comme Gwlyddyn, mais je n’étais pas écervelé au point
de le suivre aveuglément. Je passai à droite du sentier afin de pouvoir le
dépasser lorsqu’il frapperait le plus proche des Siluriens.
    L’homme essaya
de parer la lance de Gwlyddyn, mais le charpentier avait vu venir le coup et
leva son arme en l’enfonçant de toutes ses forces. Tout se passa si vite. Le
Silurien qui, l’instant d’avant, était une figure menaçante dans son
accoutrement guerrier restait bouche bée, crispé, tandis que Gwlyddyn transperçait
son armure de cuir. Mais déjà j’étais devant lui, hurlant en maniant l’épée
d’Hywel. À cet instant, je ne connaissais plus la peur, peut-être parce que
l’âme de feu Hywel était revenue de l’Au-Delà pour me soutenir, car soudain je
sus exactement ce que je devais faire et mon cri de guerre fut un cri de
triomphe.
    Le second
avait un instinct plus sûr que son compagnon mourant et s’était accroupi dans
la position du lancier de manière à surgir avec une force meurtrière. Je bondis
vers lui, et tandis que la pointe d’acier tout éclatante de soleil se dirigeait
vers moi, je fis un saut de côté en donnant un coup de lame : pas trop
fort pour ne pas perdre le contrôle de l’acier, mais juste assez pour détourner
l’arme sur ma droite et me servir de mon épée comme d’un moulinet. « Tout
est dans les poignets, petit, tout est dans les poignets », entendis-je
Hywel me rappeler, et c’est en criant son nom que je brandis mon épée pour
l’abattre à la base du cou du Silurien.
    Tout alla si vite,
tellement vite. C’est le poignet qui manœuvre l’épée, mais c’est le bras qui
lui donne sa force, et cet après-midi-là mon bras avait la force d’Hywel. Mon
épée s’enfonça dans le cou du Silurien comme une hache s’attaquant à du bois
pourri. J’étais si naïf que je crus d’abord qu’il n’était pas mort et retirai
mon épée pour le frapper à nouveau. Je le frappai une seconde fois et je vis
alors le sang illuminer la journée et l’homme s’effondrer sur le côté. Je
l’entendais suffoquer. Je le vis esquisser un timide effort pour parer mon
coup, puis sa vie se noya dans sa gorge et, tandis qu’il s’affalait sur le
tapis de feuilles, un autre filet de sang inonda sa poitrine gainée de cuir.
    Je restai
cloué sur place, tout tremblant. Soudain j’eus envie de crier. Je n’avais
aucune idée de ce que j’avais fait. Je n’avais aucune sensation de victoire,
juste un sentiment de culpabilité, et je demeurais sous le choc, impassible,
mon épée fichée dans la gorge du mort, sur laquelle se posaient déjà les
premières mouches. J’étais incapable de bouger.
    Un oiseau cria
en haut d’un arbre, puis je sentis le bras de Gwlyddyn à mes épaules, et mon
visage ruisselant de larmes. « Tu es un brave, Derfel », me dit
Gwlyddyn, et je me retournai, m’agrippant à lui comme un enfant à son père.
« Du beau travail, ne cessait-il de répéter, du beau travail. » Il
continua à me tapoter gauchement la tête jusqu’à ce que je pusse ravaler mes
larmes en reniflant.
    « Je suis
désolé, m’entendis-je dire.
    — Désolé ?
Mais de quoi donc ? fit-il en riant. Hywel disait toujours qu’il n’avait
jamais eu de meilleur élève, et j’aurais dû le croire. Tu es rapide. Maintenant
viens, il nous faut voir ce que nous avons gagné. »
    Je pris le
fourreau de ma victime  – du cuir renforcé par de l’osier, et je m’aperçus
qu’il convenait assez bien à l’épée d’Hywel, puis nous fouillâmes les deux
corps pour voir ce que nous pourrions chaparder : une pomme verte, une
vieille pièce lisse à force d’avoir circulé, deux manteaux, les armes, quelques
lanières de cuir et un couteau avec un manche en os. Gwlyddyn se demanda un
instant si nous devions rebrousser chemin pour aller chercher les deux chevaux,
puis il décida que nous n’avions pas le temps. Ça m’était bien égal. J’avais
peut-être la vue brouillée par les larmes, mais j’étais vivant et j’avais tué
un homme et j’avais défendu un roi. Et c’est ivre de joie que

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