Le Roman d'Alexandre le Grand
la
charge de tagos qui appartenait à mon père, et j’irai jusque sous les murs de
Thèbes, annonça-t-il. Je veux montrer aux Thessaliens qu’ils ont un nouveau
chef. Quant aux Thébains, j’ai l’intention de les épouvanter : il faut qu’ils
sachent que je peux frapper à tout moment.
— Nous avons un problème,
intervint Héphestion. Les Thessaliens ont bloqué la vallée de Tempé en élevant
des fortifications à droite et à gauche du fleuve. Nous sommes bloqués. »
Alexandre s’approcha de la carte et
indiqua le massif du mont Ossa, qui tombait à pic dans la mer.
« Je le sais, répondit-il. Mais
nous passerons ici.
— Et comment ? demanda
Ptolémée. Nous n’avons pas d’ailes, me semble-t-il.
— Certes mais nous possédons
des masses et des ciseaux, répliqua Alexandre. Nous creuserons un escalier dans
la roche. Faites venir du mont Pangée cinq cents mineurs, les meilleurs.
Donnez-leur de la bonne nourriture, des vêtements, des chaussures, et
promettez-leur la liberté s’ils en finissent avant dix jours : ils se
relaieront sans trêve du côté de la mer. Les Thessaliens ne pourront pas les
voir.
— Tu parles sérieusement ?
demanda Séleucos.
— Je ne plaisante jamais durant
les conseils de guerre. Et maintenant, dépêchons-nous. »
Tous les membres du conseil se lancèrent
un regard stupéfait : à l’évidence, aucun obstacle, aucune barrière,
humaine ou divine, n’arrêterait Alexandre.
41
L’« escalier d’Alexandre » fut construit en sept jours. À la
faveur des ténèbres, l’infanterie d’assaut des « écuyers » passa dans
la plaine de Thessalie sans coup férir.
Quelques heures plus tard, un
messager à cheval rapporta la nouvelle au commandant thessalien, sans pouvoir
l’expliquer. Au reste, personne n’était alors en mesure de le faire.
« Tu es en train de me dire
qu’une armée macédonienne, conduite par le roi en personne, marche dans notre
dos ?
— Oui.
— Et par quel miracle a-t-elle
débarqué, selon toi ?
— On l’ignore, mais les soldats
sont bien là. Et ils sont nombreux.
— Combien ?
— Entre trois et cinq mille
hommes, bien armés et bien équipés. Il y a aussi des chevaux. Pas beaucoup,
certes, mais il y en a.
— Il est impossible de venir
par la mer, et encore moins par la montagne. »
Le commandant, un certain Charidème,
n’avait pas encore fini de parler quand un de ses soldats lui signala que deux
bataillons de la phalange et un escadron d’hétairoï à cheval remontaient le
fleuve en direction des fortifications. Les Thessaliens allaient donc être
écrasés entre deux armées avant la tombée du soir. Un peu plus tard, un autre guerrier
lui communiqua qu’un officier macédonien du nom de Cratère s’était présenté
dans l’intention de négocier.
« Dis-lui de venir
immédiatement », ordonna Charidème, et il sortit par une poterne pour
rencontrer le Macédonien.
« Je me nomme Cratère, déclara
l’officier, et je te demande de nous laisser passer. Nous ne voulons vous faire
aucun mal, mais seulement rejoindre notre roi, qui se trouve derrière vous, et
nous rendre avec lui à Larissa, où il doit convoquer le conseil de la ligue
thessalienne.
— Je n’ai pas grand choix,
observa Charidème.
— Non, effectivement, répliqua
Cratère.
— D’accord, traitons. Mais
puis-je savoir une chose ?
— Je te répondrai dans la
limite de mes capacités, répondit Cratère sur un ton très solennel.
— Par quel mystère votre infanterie
a-t-elle surgi dans notre dos ?
— Nous avons creusé un escalier
dans le flanc du mont Ossa.
— Un escalier ?
— Oui. Ce passage nous permet
de garder des contacts avec nos alliés thessaliens. »
Abasourdi, Charidème ne put que
s’incliner.
Deux jours plus tard, Alexandre
atteignit Larissa, convoqua le conseil de la ligue thessalienne, et se fit
reconfirmer la charge de tagos à vie.
Puis il attendit les autres
divisions de l’armée pour traverser la Béotie et défiler sous les murailles de
Thèbes dans un grand déploiement de forces.
« Je ne veux pas que le sang
soit versé, affirma-t-il. Mais il faut que les Thébains soient terrorisés. Fais
le nécessaire, Ptolémée.
Alors Ptolémée disposa l’armée selon
le modèle de la bataille de Chéronée. Il demanda à Alexandre d’envoyer une
armure identique à celle qu’avait portée son père et ordonna qu’on amène le
gigantesque tambour de
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