Le Roman d'Alexandre le Grand
n’importe quel danger et n’importe quel
défi. Ecoute-moi, Alexandre, Athènes est prête à accueillir des requêtes
raisonnables, mais ne la pousse pas au désespoir car si tu devais l’emporter,
ta victoire serait plus amère qu’une défaite.
« Thèbes n’existe plus. Sparte
ne s’alliera jamais avec toi. Si tu détruis Athènes, ou si tu t’en fais une
ennemie éternelle, que restera-t-il de la Grèce ? On obtient souvent plus
de résultats par la clémence que par la force ou l’arrogance. »
Alexandre s’abstint de répondre. Il
arpenta un moment sa tente avant de retourner s’asseoir. « Que
voulez-vous ?
— Aucun citoyen athénien ne
sera livré et aucune mesure de rétorsion ne devra être appliquée contre la
ville. Nous te demandons aussi l’autorisation d’accorder un abri et de l’aide
aux réfugiés thébains. En échange, nous renouvellerons notre adhésion à la
ligue panhellénique et à la paix commune. Si tu passes en Asie, tu auras besoin
de notre flotte pour assurer tes arrières : la tienne est trop petite et
elle manque de l’expérience nécessaire. »
Eumène s’approcha et lui murmura à
l’oreille : « Ces propositions me semblent raisonnables.
— Alors, rédigez un document et
signez-le », ordonna Alexandre en se levant.
Il se débarrassa du sceau qu’il
portait à son doigt et le tendit à Eumène. Puis il sortit.
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Aristote referma sa sacoche, prit son manteau qui pendait au mur, et la
clef de la porte qui était accrochée à un clou. Il jeta un dernier coup d’œil à
la demeure et dit, comme en son for intérieur :
« J’ai l’impression de n’avoir
rien oublié.
— Alors tu es vraiment sur le
départ ? observa Callisthène.
— Oui. J’ai décidé de rentrer à
Athènes. La situation y est à nouveau calme, me semble-t-il.
— Sais-tu où aller ?
— Démade s’en est occupé, il
m’a trouvé un grand bâtiment du côté de Lycée, pourvu d’un portique couvert, un
peu comme à Miéza, où je pourrai fonder mon école. Il y a assez d’espace pour y
installer une bibliothèque, sans oublier mes collections de plantes. En outre,
je consacrerai un département à l’étude de la musique. J’ai déjà fait transporter
tout mon matériel au port, il ne me reste plus qu’à m’embarquer.
— Et tu m’abandonnes à mon
enquête.
— Pas du tout. Je vais pouvoir
rassembler plus de renseignements à Athènes qu’en Macédoine. Désormais, j’ai
appris tout ce que je pouvais apprendre ici.
— C’est-à-dire ?
— Assieds-toi. » Aristote
tira d’un tiroir quelques feuillets couverts de notes. « Une chose est
sûre : le bouleversement qui a suivi la mort de Philippe a engendré des
bavardages, des racontars, des calomnies et des insinuations en tous genres,
comme lorsqu’une grosse pierre tombe au fond d’un étang vaseux. Il faut
attendre que la vase se dépose et que l’eau redevienne limpide pour y voir un
peu plus clair.
« Le geste de Pausanias
pourrait être la conséquence – c’était facile à imaginer – d’une trouble
histoire d’amours masculines, les plus dangereuses qui soient. La voici,
brièvement : Pausanias est un beau garçon, très habile dans le maniement
des armes, qui parvient à entrer dans la garde d’honneur de Philippe. Le roi le
remarque et en fait son amant. Entre-temps, Attale lui présente sa fille, la
pauvre Eurydice, qui séduit aussitôt le souverain.
« Fou de jalousie, Pausanias
fait une scène à Attale, qui ne semble toutefois pas attribuer une grande
importance à la chose. Ou plutôt, il réagit avec esprit et, pour démontrer ses
bonnes dispositions, invite le jeune homme à dîner après une battue de chasse
en montagne.
« L’endroit est isolé, le vin
coule à flots, les participants sont plutôt excités. À un moment donné, Attale
se lève, abandonnant Pausanias à ses gardes-chasse, lesquels déshabillent le
Jeune homme et le violent au cours de la nuit de toutes les façons possibles et
imaginables. Puis ils le laissent plus mort que vif.
« Bouleversé par cet outrage,
Pausanias demande aussitôt à Philippe de le venger. Mais le roi ne peut se
dresser contre son futur beau-père, pour qui il nourrit, en outre, une grande
estime. Le jeune homme voudrait tuer Attale, ce qui n’est plus possible :
le souverain lui a confié le commandement, avec Parménion, du corps
d’expédition vers l’Asie. Pausanias retourne donc sa colère
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