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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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façon dont je l’ai apprise. Un jour, le roi Philippe te
commande un portrait destiné au sanctuaire de Delphes, mais il te dit :
« Embellis-moi un peu… euh, dissimule mon œil malade, augmente ma taille,
noircis-moi les cheveux, sans exagérer bien sûr, mais tu comprends… »
    — J’ai l’impression de
l’entendre, ricana Eumène en imitant la grosse voix de Philippe.
« Quoi ? j’appelle un grand peintre, et je dois tout lui
expliquer ? »
    — Ah, oui, je m’en souviens
maintenant, s’écria Apelle en riant de bon cœur. Ce sont les mots exacts qu’il
a prononcés !
    — Alors, continue donc ce
récit, pria Callisthène.
    — Non, non, je préfère
l’écouter.
    — S’il en est ainsi… Bon, le
maître achève son portrait et l’installe dans la cour, en pleine lumière, afin
que son illustre client puisse l’admirer. Ceux d’entre vous qui sont allés à
Delphes l’ont sans doute vu : un tableau d’une beauté, d’une splendeur… Le
roi était représenté avec sa couronne d’or, son manteau rouge et son sceptre,
on aurait dit l’image du grand Zeus. « Cela te plaît-il,
sire ? » interroge Apelle. Philippe examine le tableau d’un air peu
convaincu. « Dois-je te dire le fond de ma pensée ? » lui
demande-t-il. « Bien sûr, sire », affirme le peintre. « Eh bien,
je trouve qu’il n’est pas ressemblant. »
    — C’est vrai, c’est vrai !
approuva Apelle sans cesser de rire, avec des cheveux plus noirs, une barbe
plus soignée, un teint plus rose, il ne s’était pas reconnu.
    — Alors ? interrogea
Eumène.
    — Voici le plus beau de
l’histoire, poursuivit Callisthène, si tant est qu’elle est vraie. C’est alors
que passa dans la cour un palefrenier qui tenait par les rênes le cheval du
roi. L’animal s’immobilisa devant le tableau, il se mit à agiter la queue, à
secouer la tête et à hennir bruyamment, à la grande stupeur de l’assistance.
Regardant tour à tour le roi, le cheval et le tableau, Apelle s’exclama :
« Sire, puis-je te dire, moi aussi, le fond de ma pensée ? »
« Bien sûr, par Zeus ! » répond ce dernier. « Eh bien, je
regrette, sire, mais je crains que ton cheval ne s’y connaisse mieux en
peinture que toi. »
    — C’est la pure vérité, conclut
Apelle. Je jure que tout cela s’est produit ainsi.
    — Et lui ? demanda
Héphestion.
    — Lui ? Il a haussé les
épaules et a dit : « Ah ! Vous avez toujours raison. Pour cette
fois, fais-toi payer. Maintenant que tu l’as terminé, je le garde. »
    Tout le monde applaudit, et Eumène
confirma le paiement du tableau dont tous les invités louèrent l’excellente
facture, même si certains ne l’avaient jamais vu.
    Se sentant le centre de l’attention,
Apelle s’employait à occuper la scène comme un acteur plein d’expérience.
    Alexandre pria alors ses convives de
l’excuser : il devait se lever tôt le lendemain, afin d’inspecter les
fortifications maritimes. Il s’éloigna tandis qu’on servait des boissons plus
fortes et que des « compagnes » plus audacieuses faisaient leur
apparition.
    Quand il pénétra dans ses
appartements, il trouva Leptine qui l’attendait, une lanterne à la main et une
moue sur les lèvres. Pendant qu’elle lui tournait le dos pour éclairer le
couloir menant à sa chambre, il s’interrogea sur les raisons de cette bouderie,
mais il s’abstint de lui poser la moindre question.
    Il lui suffit de pousser la porte de
sa chambre pour comprendre. Campaspé était allongée sur son lit, entièrement
nue, dans une position qui évoquait une héroïne mythique : Danaé,
peut-être, attendant une pluie d’or, ou Léda avant que le cygne n’arrive.
    La jeune femme se leva et vint vers
lui. Elle le déshabilla, s’agenouilla sur le tapis et couvrit de baisers son
ventre et ses cuisses.
    « Le point vulnérable de ton
ancêtre Achille était le talon murmura-t-elle en plongeant ses yeux bistrés
dans les siens. Voyons voir si je me rappelle le tien. »
    Alexandre sourit en lui caressant
les cheveux. À force de fréquenter Apelle, la jeune femme ne s’exprimait plus
qu’en termes mythologiques.
     

12
    Alexandre quitta Éphèse au milieu du printemps pour se diriger vers
Milet. Lysippe, qui avait compris ce que le souverain attendait de lui,
repartit pour la Macédoine en possession d’un ordre écrit destiné au régent
Antipatros : Alexandre lui demandait de mettre à la disposition

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